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Débattre, oui... mais où ?

Où doit se tenir le débat politique ? C'est un peu la question qui se pose au personnel politique ces temps-ci. Le président socialiste de l'Assemblée s'insurge contre les comités Théodule. Une partie de l'opposition de droite investit la rue pour protester contre un texte du gouvernement. Un ancien Premier ministre écrit au président de la République. C'est à se demander à quoi sert l'Assemblée nationale, et ses 577 députés...
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Cette question, le président de l'Assemblée la pose depuis
son accession au perchoir.

Claude Bartolone a très vite dit tout le mal qu'il pensait
de ces " comités Théodule " qui font les délices des gouvernements en
France. Qu'ils soient de droite, ou de gauche, ils appliquent avec
le même bonheur la formule de Georges Clémenceau selon lequel la commission
constitue le meilleur moyen d'enterrer un problème.

Soyons justes, il existe des exceptions, mais Claude
Bartolone n'en démord pas, les grands débats doivent avoir lieu à l'Assemblée
nationale. Après tout, c'est bien dans ce but que le peuple désigne ses
représentants à l'Assemblée. L'assemblée est bien le lieu où siège la
représentation nationale.

Pourtant, elle n'est
plus vraiment considérée comme le lieu où se tiennent les grands débats

C'est vrai. Même un ancien Premier ministre comme Jean-Pierre Raffarin le
regrette, à propos du mariage pour tous : " au Parlement on n'a pas
de débat. Les représentants du peuple ne sont pas véritablement au travail sur
ces sujets
 ".

Ce constat peut-être critiqué, mais le véritable enjeu est
de se demander pourquoi domine ce sentiment que l'Assemblée ne débat pas, ou
mal, des vrais sujets. Et la réponse vient peut-être des députés eux-mêmes. La partie visible de leurs discussions, ce sont les
questions au gouvernement, retransmises en direct par la télévision, toutes les
semaines. Des séances qui ne donnent pas une bonne image des députés,
à en juger les remarques des citoyens visitant le Palais Bourbon, les courriers
et les mails qu'ils adressent à l'institution.

Claude Bartolone s'en est tellement ému qu'il s'est fendu d'une
lettre, à chacun des députés, pour souligner la mauvaise image offerte par les " interruptions,
les gesticulations, les invectives et les cris poussés par les parlementaires.
"
Il évoque aussi " les interrogations du public se demandant pourquoi les députés
ont tendance à se lever à l'issue d'une intervention ".

Autant d'attitudes, de " comportements de cour de
récréation
 " sur lesquels le président de l'Assemblée annonce qu'il sera
désormais intraitable. Une modification des attitudes ne fera pas forcément,
immédiatement, progresser les débats, mais l'image de l'Assemblée, peut-être. Car, quand l'image offerte est si peu valorisante, elle n'encourage
pas les prises de position fortes des responsables politiques.

C'est vrai que les
grands discours, destinés à faire date, ne se font plus à l'Assemblée.

L'assemblée est devenue le lieu des discours
institutionnels, comme la déclaration de politique générale du Premier ministre.
Mais ce n'est pas là que se font les grands discours de l'opposition notamment. Dernier exemple en date, François Fillon, sur le mariage
pour tous. Sujet à propos duquel l'opposition se plaint de l'absence de vrai
débat.

François Fillon ne défilera pas dimanche. En tant qu'ancien Premier
ministre, il s'estime tenu à un " devoir de réserve sur le principe des
manifestations
 ". Mais l'ancien Premier ministre ne s'expliquera pas sur sa
position à l'Assemblée. Il préfère une lettre ouverte à François Hollande,
publiée demain dans les pages " tribune " du Figaro.

Pourtant, le propos de François Fillon est ciselé, destiné à
faire date. Il s'inquiète du droit de l'enfant, s'interroge sur " la
précipitation
 " qui entoure ce 
texte, et estime que " par le mariage, la République ne consacre
pas l'amour qui unirait deux personnes, mais protège la famille qui pourrait en
être issue
 ". Très solennellement, François Fillon met en garde François
Hollande contre le passage en force, et l'encourage à " renoncer à un
projet qui divise le pays
 ". En écrivant au président de la République, François Fillon prend
de la hauteur, vis-à-vis de Jean-François Copé.

Mais au-delà de cette querelle interne à l'UMP, il suggère
un autre constat, une présidentialisation du régime, dans laquelle le débat parlementaire
ne trouve plus sa place.

 

 

 

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