Édito
Avec sa rémunération de 36,5 millions d'euros, Carlos Tavares illustre-t-il l'impuissance du gouvernement face aux grands groupes privés ?

Validée mardi par les actionnaires du groupe, la rémunération faramineuse du PDG de Stellantis soulève un tollé politique et plonge la majorité dans l'embarras. Elle remet sur le tapis la question : faut-il légiférer pour limiter les revenus des grands patrons ?
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Carlos Tavares, le PDG de Stellantis, lors du Mondial de l'Auto, à Paris, en octobre 2022. (SPEICH FREDERIC / MAXPPP)

La rémunération du PDG du constructeur automobile Stellantis, Carlos Tavares, pourrait atteindre 36,5 millions d’euros pour l’année 2023, une somme coquette, pour l’essentiel indexée sur les excellents résultats du groupe automobile. Les actionnaires du groupe ont validé à 70,2% des voix cette somme, mardi 16 avril, lors de l'assemblée générale. Une rémunération qui a immédiatement suscité un tollé à gauche et relancé les propositions de légiférer pour limiter les plus hauts revenus. La majorité, elle, est embarrassée. C’est Carlos Tavares lui-même qui a allumé la mèche en lançant : "Si vous estimez que ce n’est pas acceptable, faites une loi, je respecterai".

La France insoumise a sauté sur l’occasion et annoncé le dépôt d’un texte pour plafonner les écarts de rémunération de 1 à 20 dans les entreprises. Olivier Faure a exhorté Yaël Braun-Pivet à inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée une proposition de loi du PS déjà déposée. Rappelons qu’en 2012, François Hollande avait envisagé d’encadrer les rémunérations du privé, avant de renoncer. Au pouvoir, la gauche s’est contentée de limiter celles des dirigeants des entreprises publiques à un maximum de 450 000 euros par an, soit 80 fois moins que Carlos Tavares.

Le sparadrap d'Emmanuel Macron

Si l’exécutif est embarrassé, c'est parce que la rémunération du PDG de Stellantis colle aux basques d’Emmanuel Macron comme le sparadrap au capitaine Haddock. En 2022, elle devait déjà atteindre 66 millions d’euros et le chef de l’État avait jugé cette somme "choquante" et "excessive". Il avait promis de "se battre" pour imposer un plafonnement des revenus des patrons au niveau européen. Deux ans plus tard, rien n’a changé. Carlos Tavares est devenu la mauvaise conscience du gouvernement. Comme une illustration de l’impuissance publique face aux grands groupes privés.

Pour tenter de désamorcer la polémique, le gouvernement penche plutôt pour l’arme fiscale, mais attention, au niveau international et non pas hexagonal. En déplacement à Washington, le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, va réclamer de nouveau une taxation minimale des plus grandes fortunes à l’échelle mondiale. Mais sur le plan national, Gabriel Attal s’est contenté, pour l’heure, d’installer une task force pour plancher sur la taxation des rentes. Pas question donc d’encadrer les plus hautes rémunérations du secteur privé. Faudrait-il d’ailleurs se limiter aux patrons ? Après tout, 36,5 millions d’euros pour Carlos Tavares, c’est beaucoup moins que les 56 millions du salaire annuel net de Kylian Mbappé au PSG.

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