Édito
Le RN face au retour des accusations de proximité avec la Russie

Une enquête du quotidien américain "Washington Post", publiée le weekend dernier, a fait beaucoup réagir la classe politique ces derniers jours.
Article rédigé par Hadrien Bect
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La chef de file des députés RN Marine Le Pen et le président du RN Jordan Bardella, le 16 mai 2019. (HERVE KIELWASSER / MAXPPP)

Le sparadrap moscovite est à l’évidence redoutable tant le parti de Marine Le Pen a de la difficulté à s’en débarrasser. L’enquête du Washington Post [article en anglais] décrit une nouvelle fois comment, y compris indirectement, le Rassemblement national reprend des arguments promus par Moscou : "une guerre coûteuse pour les Français", "des sanctions inutiles contre la Russie" ou encore un appel à "œuvrer à la paix" sans évoquer de conditions pour la Russie… L’occasion était trop belle : "liens de vassalité", "complicité", "courroie de transmission" ont très vite dénoncé notamment des élus macronistes.

Des attaques politiques immédiates car il y a un parfum d’élections européennes. Elles ont en effet lieu dans six mois et Emmanuel Macron a lui-même sonné la charge, dimanche soir dans ses vœux. Il ne cite pas le RN, mais la cible est transparente, lorsqu’il évoque un choix décisif le 9 juin, entre "arrêter la Russie et soutenir les Ukrainiens ou céder aux puissances autoritaires en Ukraine". Le chef de l’État avait déjà accusé Marine Le Pen d’avoir Vladimir Poutine pour "banquier", lors du débat du second tour de la présidentielle.

Alors que l’Europe peine à mobiliser de nouveaux fonds pour l’Ukraine, et que, pour la première fois, des élections européennes se dérouleront avec une guerre sur le continent, le rapport à la Russie sera assurément un thème et un angle d’attaque contre la liste de Jordan Bardella.

Pourquoi le RN n’arrive pas à se défaire de ce "sparadrap" ?

Parce que le RN est ambigu. Certes, il a entrepris le remboursement de son prêt russe mais pour le reste, il pratique la godille. En février dernier, Jordan Bardella reconnaissait "une naïveté collective à l'égard des intentions de Vladimir Poutine" et appelait à un retrait des troupes russes d’Ukraine. Dans la foulée Marine Le Pen s’empressait de publier une lettre demandant "une conférence sur la paix" pour obtenir une "sortie pacifique et rapide du conflit", différence d’approche majeure. Au Parlement européen, les eurodéputés RN n’ont voté qu’une poignée des résolutions de soutien à l’Ukraine, et tout récemment, dans ses vœux du 31 décembre, Marine Le Pen évoque Emmanuel Macron, Israël, l'inflation mais pas un mot sur le conflit en Ukraine. Si c’est un oubli, il est a minima maladroit.

Alors bien sûr, même si le RN peine à faire oublier ce dossier, l'effet sera sans doute nul sur les électeurs convaincus par Marine Le Pen mais il peut entraver l'opération séduction du RN vers des indécis, des classes moyennes, des retraités. Renvoyer le parti de Marine Le Pen à son ambivalence vis-à-vis d'un régime devenu dictatorial et belliqueux, c'est le renvoyer à sa propre diabolisation, c'est laisser planer un doute, et en politique, le doute est un poison.

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