Édito
Le RN peut-il vraiment profiter de la colère paysanne ?

Le Rassemblement national soutient depuis le début la colère des agriculteurs, qui a amené les tracteurs aux portes des grandes villes et de Paris. Pour séduire cet électorat, le parti d’extrême droite ne lésine pas sur les moyens, ni sur les images.
Article rédigé par franceinfo, Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le président du RN, Jordan Bardella, lors de sa visite dans une ferme du Queyrac, le 20 janvier 2024. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

À cinq mois des élections européennes qui auront lieu le 9 juin, Jordan Bardella s’est acheté une paire de bottes et arpente les exploitations agricoles. Il dénonce l’Europe qui veut, selon lui, "tuer nos paysans". Il fustige les normes environnementales avec d’autant plus de force que le programme du RN empile des mesures anti-écolos : moratoire sur les énergies renouvelables, baisse massive des taxes sur les carburants ou encore libéralisation de l’usage des pesticides. Le RN ne tente pas de concilier des impératifs environnementaux et agricoles parfois contradictoires. Il peut donc se transformer sans peine en lobby anti-écolo et pro-paysan.

Mais les agriculteurs ne sont pas si sensibles à cette cour que lui fait le RN. Certes, Marine Le Pen a progressé dans cet électorat mais au 1er tour de la présidentielle de 2022, son score était 16%, ce qui était inférieur de 7 points à sa moyenne nationale. Les agriculteurs forment un électorat conservateur qui vote plus largement à droite qu’à l’extrême droite. 

Les agriculteurs savent ce qu'ils doivent à l'Union européenne

Même s’ils critiquent la bureaucratie de la commission de Bruxelles, les paysans savent ce qu’ils doivent à l’Europe. Sans la politique agricole commune, la fameuse PAC, le principal budget européen, l’agriculture française aurait sans doute disparu. La sortie de l’euro longtemps préconisée par Marine Le Pen rebutait déjà l’électorat paysan. Depuis, elle a tourné casaque. Le RN qualifie toujours l’Europe de "prison", mais il ne veut surtout pas en sortir. Jordan Bardella a même approuvé la dernière réforme de la PAC.

Le RN trouve dans la colère des agriculteurs une occasion d'agiter ses épouvantails préférés : "l’écologie punitive", les "élites parisiennes", Bruxelles, et la politique européenne jusque dans son soutien à l’Ukraine. Le RN rêve que les blocages durent jusqu’au salon de l’Agriculture, qui commence dans trois semaines. D’où ce soutien fervent, y compris aux manifestants les plus radicaux et les moins fréquentables.

Une photo supprimée...

Vendredi dernier, les trois députés lepénistes de l'Aude ont posé fièrement à un barrage paysan devant une pancarte où était écrit "Va faire la soupe salope !". Une injure misogyne à l'intention des écologistes Marine Tondelier et Sandrine Rousseau. Les élus étaient tellement fiers d’eux qu’ils ont posté la photo sur les réseaux sociaux. Avant de la supprimer quand la direction du RN leur a rappelé que cette violente insulte jurait avec le sage déguisement de la cravate que Marine Le Pen leur impose à l’Assemblée.

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