Édito
Législatives : la gauche peut-elle faire pression sur Emmanuel Macron pour qu'il nomme un Premier ministre issu du Nouveau Front populaire ?

La lettre publiée dans la PQR par le président de la République demandant aux "forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines" de "bâtir une majorité solide" a été diversement appréciée par la classe politique. Certains, à gauche, estiment qu'Emmanuel Macron s'oppose "au verdict des urnes".
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Les membres du Nouveau Front populaire, à la Maison de la chimie, le 14 juin 2024. (MOHAMMED BADRA / MAXPPP)

À gauche, certaines voix appellent à faire pression sur Emmanuel Macron pour le forcer à nommer un Premier ministre du Nouveau Front populaire. Une riposte à la lettre du chef de l’État exhortant  "les forces politiques républicaines" à former un "large rassemblement". Les Insoumis, Jean-Luc Mélenchon en tête, ont fustigé un "coup de force", le "retour du veto d’un monarque" s’opposant  "au verdict des urnes". La patronne de la CGT, Sophie Binet, a pris le relais en comparant Emmanuel Macron à "Louis XVI enfermé à Versailles". 

Les branches cheminot et énergie du syndicat appellent à des "rassemblements devant les préfectures et à proximité de l’Assemblée" jeudi 18 juillet, le jour de l’élection du nouveau président de l’Assemblée, pour "exiger la mise en place d’un gouvernement de Front Populaire". L’ancien député du Nord, Adrien Quatennens, très proche de Jean-Luc Mélenchon, a même agité le spectre d’une "grande marche populaire vers Matignon".

Ne pas affaiblir le Nouveau Front populaire


Ce n'est pas vraiment envisageable. D’abord, parce que ces appels divisent la gauche. Ils n’émanent que de sa frange la plus radicale, et d’une CGT qui s’est rapprochée des Insoumis depuis que Sophie Binet est à la tête de la confédération. La première victime d’une marche sur Matignon, ce serait sans doute le Nouveau Front populaire. La secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a, par exemple, jugé, elle, "légitime que le bloc arrivé en tête pose ses conditions", mais elle a aussi incité la gauche "pour gouverner, à construire des alliances et des compromis". En fait, c’est d’abord un mythe, celui du "Front Popu", le vrai, celui de l’été 36 qui nourrit les velléités de certains de descendre sur le pavé. Sauf qu’à l’époque, c’était après la large victoire de la gauche et la nomination de Léon Blum à Matignon que les ouvriers s’étaient mis en grève pour contraindre le gouvernement à mettre en œuvre un programme social de rupture.

D’autres organisations menacent également de passer à l’acte, la Coordination rurale veut "sortir les fourches" si des écologistes ou des Insoumis entrent au gouvernement. Cette organisation, courtisée par le RN, a provoqué des incidents lors du mouvement paysan du début de l’année 2024, notamment en perturbant violemment la visite du chef de l’État au salon de l’Agriculture. Les politiques sont surtout hantés par le souvenir de la violence du mouvement des gilets jaunes. À l’époque, les Insoumis avaient couru après une mobilisation qui avait surtout profité à l’extrême droite.

Depuis dimanche, les élus répètent que le Parlement est redevenu le cœur battant de la vie politique. Peut-être, mais à condition qu’ils se montrent à la hauteur de leur tâche. Sinon, au-dehors, dans la rue, un nouvel accès de colère pourrait bien les submerger.

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