Édito
Loi agricole : la France perpétue le mythe d’une nation de paysans

Réécrit pour répondre à la colère hivernale, le projet de loi agricole du gouvernement arrive mardi dans l'hémicycle de l'Assemblée.
Article rédigé par Renaud Dély
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Un convoi de vingt tracteurs emmenés par des militants de la Coordination rurale (CR) stationnent devant le château de Versailles, le 1er mars 2024. (HENRIQUE CAMPOS / HANS LUCAS via AFP)

Le projet de loi d’orientation agricole est débattu par les députés à partir de mardi 14 mai. C’est un rendez-vous à hauts risques pour l’exécutif. Ce texte a été plusieurs fois reporté, et réécrit en urgence sous la pression du mouvement des agriculteurs de ce début d’année 2024. Le gouvernement n’a eu de cesse de revoir sa copie. C’était un engagement du candidat Macron et le chef de l’État a suivi tout ce processus de très près, en recevant lui-même à plusieurs reprises les syndicats agricoles. Avec ce projet de loi, l’exécutif espère bien éteindre les braises d’une colère paysanne qui avait bousculé les premiers pas de Gabriel Attal à Matignon, et qui ne demande qu’à redémarrer.

Les agriculteurs ont globalement obtenu gain de cause. Ce texte exprime d’abord, en quelque sorte, la reconnaissance de la nation envers une corporation en difficulté. Il érige l’agriculture au rang d’"intérêt général majeur", inscrit dans la loi l’impératif de la souveraineté alimentaire, et vise à assurer le renouvellement des générations. Plus concrètement, le gouvernement a allégé certaines réglementations et simplifié de nombreuses normes environnementales, notamment en changeant l’indicateur du plan Écophyto de réduction des pesticides. Au risque de reléguer au second plan l’impératif écologique. Une différence de traitement qui illustre à quel point l’agriculture et l’environnement ne pèsent pas de la même façon dans le débat public.

L'écologie reste perçue comme contraignante

D’un côté, une corporation paysanne très organisée qui sait imprégner l’ensemble des partis, et déclencher, si besoin, des mouvements de protestation toujours très populaires, soutenus par plus de 80% des Français. De l’autre, malgré une réelle prise de conscience de l’opinion, la cause environnementale peine toujours à trouver des modes d’action efficaces et fédérateurs, et plus encore, un débouché politique crédible. Plusieurs partis se targuent de faire de l’écologie, mais celui qui en revendique l’étiquette reste très faible, comme le montre la difficile campagne européenne de Marie Toussaint. Au fond, dans l’imaginaire collectif, chacune des deux catégories est perçue de façon très opposée : les paysans comme ceux qui nous nourrissent, et les écologistes comme ceux qui nous contraignent.

Résultat, alors que le nombre d’agriculteurs n’est plus que marginal, à peine 400 000 exploitations, la France perpétue le mythe d’une nation de paysans, quand elle a tant de mal à se convertir en patrie de l’écologie. 

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