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La militante saoudienne pour les droits des femmes Loujain Al-Hathloul reçoit le prix Vaclav Havel 2020 après 1 001 jours en prison

Elle avait fait campagne en Arabie saoudite dès 2014 pour le droit des femmes à conduire, un combat victorieux en 2018 mais qui n’avait pas empêché son arrestation. Libérée en février dernier, elle est toujours assignée à résidence à Riyad.

Article rédigé par Marion Lagardère
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Loujain Al-Hathloul, l'une des cheffes de file du mouvement féministe saoudien, à Riyad (Arabie Saoudite). (- / LINA AL-HATHLOUL'S TWITTER ACCOU / AFP)

Le Conseil de l’Europe qui honore chaque année une figure de la défense des droits humains, a choisi de remettre son prix Vaclav Havel 2020 à la militante féministe saoudienne Loujain Al-Hathloul. À 31 ans, elle est la figure la plus emblématique du mouvement contre la tutelle masculine, contre les violences domestiques et contre l’interdiction pour les femmes de conduire en Arabie saoudite, une interdiction finalement levée en juin 2018.

C’est elle qui avait publié sur Youtube l’une des premières vidéos au volant de son véhicule en lançant  "On va voir comment ça se passe." C’est elle enfin dont on a pu voir le sourire radieux sur d’immense affiches sous le titre "Libérez Loujain."

Elle a été arrêtée une dizaine de fois. 1 001 jours en prison, soit pour avoir conduit, soit pour avoir fait circuler des pétitions pour le droit de conduire, soit sans raison connue, c’est arrivé plusieurs fois, soit dernièrement pour terrorisme.

L’activisme de Loujain al-Hathloul gêne le pouvoir saoudien, un pouvoir qui s’est fabriqué une image de royaume moderne et ouvert, mais dont les actions des féministes révèlent la part autoritaire, toute mobilisation étant systématiquement réprimée : non, les femmes ne sont toujours pas libres en Arabie saoudite. Et c’est pour ça que se bat Loujain Al-Hathloul.

Née en 1989 à Djeddah, elle et ses cinq frères et sœurs s’installent cinq ans plus tard en France, à Toulon, pour suivre leur père militaire. Après un retour en Arabie saoudite, et étant parfaitement francophone, elle part ensuite étudier au Canada, décrochant son diplôme en littérature française à l’Université de Columbia. Puis en 2014, elle rentre à Riyad.

C’est là qu’elle mesure le rôle des réseaux sociaux, le pouvoir de ses tweets et autres vidéos humoristiques sur le quotidien des femmes. Alors elle s’implique de plus en plus, et alterne manifestations et arrestations, jusqu’à sa condamnation en 2018 à cinq ans et huit mois de prison.

En février, elle a enfin été libérée mais sa condamnation par une cour antiterroriste a été confirmée en appel, pour tentative de contact avec l’ONG Amnesty International et plusieurs médias européens. Depuis, elle est rentrée chez ses parents, elle n’a pas le droit de quitter le territoire, et officieusement pas le droit de s’exprimer. C’est donc sa petite sœur Lina, qui a reçu lundi le prix Vaclav Havel en son nom, un prix symbolique certes, mais indispensable pour faire du bruit, en parler, encore et ne pas oublier.

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