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Le projet fou de Francis Hallé, ce botaniste qui rêve de voir repousser une forêt primaire en Europe et qui pourrait bien y arriver

Il a lancé son association en février 2019 et, depuis, il multiplie les conférences pour convaincre de l’intérêt de son projet : faire renaitre une forêt primaire en Europe de l’Ouest, un projet de moins en moins utopique.

Article rédigé par Marion Lagardère
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Des arbres dans la forêt primaire de Bialowieza (Pologne). (AFP)

Francis Hallé rêve de recréer un patrimoine forestier, une forêt libre de toute intervention humaine, sans coupe de bois, sans exploitation ni soin : une forêt primaire. Sur le continent européen, la dernière se trouve en Pologne, c'est la forêt de Bialowieza. Mais elle est particulièrement menacée, attaquée hectares par hectares par les tronçonneuses. C'est ce qui a poussé Francis Hallé à se lancer et créer son association en 2019.

À 80 ans passés, il est l’un des plus grands spécialistes des canopées des forêts tropicales qu’il a passé sa vie de biologiste et botaniste à étudier, du Vanuatu à la Guyane, en passant par le Laos et le Gabon. Autant dire qu’il n’a pas mis longtemps à dresser la liste de ce qu’il faut pour obtenir un équivalent en Europe.

70 000 hectares à cheval sur plusieurs pays européens

À commencer par le terrain : 70 000 hectares minimum. Si ça vous parait beaucoup, dites-vous que la forêt plantée des Landes de Gascogne fait un million d’hectares, 70 000 hectares à côté, c’est l’équivalent d’une petite ville. Ensuite, il faut qu’elle soit en plaine, et qu’elle soit transfrontalière, pour en faire un patrimoine européen et pas simplement français. Enfin, qui dit "forêt primaire" dit pas de plantation, pas de tronçonneuse, pas de chasse, pas de cueillette aux champignons, pas même de ramassage de bois mort : aucune intervention humaine.

En revanche, Francis Hallé veut que l’on puisse regarder la forêt grandir : on déambulerait sur des passerelles en bois à 50 centimètres au-dessus du sol, comme dans les grands parcs Américains, histoire de ne pas tasser l’humus et maltraiter les racines, on observerait, on méditerait, on s’émerveillerait.

Deux lieux sont à l'étude dans la région Grand Est

"Ce que je propose, affirme-t-il dans sa dernière conférence TedX, c’est un truc totalement gratuit, ni coûteux ni rentable, (...) c’est un projet transgénérationnel, de long terme puisque ça va prendre environ six siècles." Six cent ans, c’est le temps qu’il faut pour qu’une telle forêt puisse passer de forêt secondaire à forêt primaire.

C’est vertigineux, mais ça n’est pas utopique : deux sites sont à l’étude, l’un dans les Ardennes, l’autre dans les Vosges, tous deux à cheval sur les frontières belge et allemande. Reste à embarquer tout le monde, de la Commission européenne aux populations locales, chasseurs compris. Mais Francis Hallé y croit. Et quand on lui demande ce qui le motive, il répond la beauté enivrante des arbres, ce quelque chose qui ne devrait pas avoir de prix.

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