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Les fantômes de Pyongyang

Hier, un missile nord-coréen a survolé le Japon. Le conseil de sécurité des Nations Unies a condamné ce tir. Cette nouvelle crise ravive la tension entre les deux pays. Elle réveille aussi des fantômes : quand la Corée du nord enlevait des ressortissants japonais...
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
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Entre le Japon et la Corée du Nord, des fantômes persistent. Depuis 35 ans, ils hantent les relations entre les deux pays.

Dans le journal Le Temps , François Bougon réveille le souvenir de ces hommes et de ces femmes. Entre 1977 et 1983, la Corée du Nord a enlevé au moins dix-sept Japonais, et sans doute beaucoup plus. Elle les a kidnappés pour qu'ils servent de professeurs aux espions nord-coréens.

C'est l'histoire de Yaeko, par exemple. Elle débute en juin 1978. A l'époque, la jeune femme a 22 ans. Elle est serveuse dans un bar de Tokyo. Un matin, elle ne se présente pas à son travail. Son frère, Shigeo, se précipite chez elle. Mais Yaeko s'est volatilisée. Elle n'a laissé aucune lettre, aucun indice. Les jours passent, puis les semaines et les mois. Shigeo adopte le fils de sa soeur disparue.

Il doit attendre 1987, presque dix ans après, pour avoir un début d'explication. Une espionne de Corée du Nord, une certaine Kim Hyon-Hui, est arrêtée. La police japonaise lui montre des photos de personnes disparues et soudain Kim Hyon-Hui reconnaît la jeune Yaeko. Elle explique que la serveuse de Tokyo a été son "professeur". Entre 1981 et 1983, en Corée du nord, Yaeko lui a appris a se glisser dans la peau d'une Japonaise. Elle lui a lui enseigné la mode, les habitudes culturelles, le cinéma, les chansons, les vêtements. Tout pour ressembler à une habitante de l'archipel.

Les circonstances de l'enlèvement restent confuses mais ce jour de 1987, Shigeo comprend que sa soeur Yaeko a été kidnappée. Il va se battre pour découvrir la vérité, comme d'autres familles dans la même situation. Au début, le gouvernement japonais est passif. Puis ces affaires d'enlèvement deviennent un sujet national. Dans le journal Le Temps , François Bougon raconte qu'une adolescente de 13 ans devient l'emblème de ces disparus : elle s'appelle Megumi Yokota ; elle a été kidnappée en 1977. Des mangas et des dessins animés retracent son histoire ; ils alimentent le combat pour le retour des kidnappés. Sous la pression des familles, les dirigeants nippons s'engagent à régler le problème.

En 2002, la Corée du Nord reconnaît enfin qu'elle a enlevé des citoyens japonais. Mais elle minimise le phénomène. Plusieurs fois, des discussions ont lieu entre les deux pays, mais jusqu'à aujourd'hui, elles restent vaines. La nouvelle crise entre Tokyo et Pyongiang ne va rien arranger. Yaeko, la serveuse de Tokyo, a été enlevée il y a trente-quatre ans. Son frère, Shigeo, en a maintenant soixante-douze. Il ne lâche pas une vieille photo de sa soeur. Le visage de la jeune femme apparaît en noir et blanc. Shigeo veut croire que Yaeko est vivante.

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