Patricia Filali, prisonnière de son père en Algérie
L'histoire débute en 1978. Nous sommes à Reims. Patricia Filali a 16 ans, sa soeur Nadia en a 17. Les deux jeunes filles sont en vacances. Pour la première fois, elles vont prendre l'avion. Leur père les emmène dans son pays, l'Algérie. A Constantine, les deux jeunes filles découvrent un autre univers. L'ami de leur père qui les héberge habite avec sa femme et ses huit enfants dans un appartement de trois pièces. L'ambiance est lourde. Patricia est pressée de rentrer en France. La date du retour est déjà prévue. Mais à la fin de l'été, le père annonce à ses deux filles : "Vous restez ici, je ne vous emmène pas". Il repart, seul.
Patricia et Nadia sont maintenant prisonnières en Algérie, chez des gens qu'elles connaissent à peine. Autour d'elles, tout le monde parle arabe. Les deux jeunes filles s'y mettent peu à peu. Dans la maison, les relations sont tendues. Les filles sont cantonnées au ménage, à la cuisine. Lorsque des hommes viennent rendre visite à la famille, elles doivent rester dans leur chambre.
La mère de Patricia et Nadia, elle, est restée à Reims. Elle a rompu avec le père de ses filles. Elle leur écrit. Elle promet qu'elle va tout faire pour les ramener en France. De son côté, en Algérie, Patricia continue à se battre. Elle écrit aux administrations, sans résultat. Les mois passent. Au début de l'année 1980, elle se rend au consulat de France. Elle demande de l'aide. La réponse la terrifie : "nous ne pouvons rien faire. Votre père est algérien ; vous avez sa nationalité. Votre seule chance est d'attendre votre majorité, c'est-à-dire 21 ans en Algérie".
Les deux soeurs sont toujours aussi proches. Mais peu à peu, Nadia s'habitue à sa nouvelle vie. Elle accepte d'épouser Brahim, un des fils de la maison qui est gentil avec elle. Un jour, deux hommes sonnent à la porte. Ils se présentent comme des diplomates suisses. Ils viennent chercher Patricia. Le chef de famille refuse de la laisser partir. Un des hommes réussit quand même à glisser un bout de papier à la jeune fille : "nous viendrons vous chercher cette nuit ; soyez prête".
A deux heures du matin, Patricia sort de l'immeuble. Une voiture l'attend. Elle démarre aussitôt. Les deux hommes à bord se présentent : Bruno et Roland. Ce ne sont pas des diplomates suisses. Ils sont détectives privés. Une amie de Nadia les a sollicités. Elle a enclenché le sauvetage. En pleine nuit, la voiture franchit la frontière entre l'Algérie et le Maroc. Patricia est sauvée.
Elle retrouve la France, sa mère, une nouvelle vie. Elle devient éducatrice, puis psychothérapeute. Aujourd'hui, elle a 50 ans. Elle a revu son père, elle lui a pardonné. Elle aime toujours autant sa soeur, Nadia, restée de l'autre côté de la Méditerranée. Elles sont en contact régulier. Deux soeurs, deux destins.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.