Fin des ventes des véhicules thermiques en 2035 : "On accompagne toutes les filières dans cette mutation", assure Roland Lescure

Le ministre délégué chargé de l'Industrie était l'invité éco de franceinfo, vendredi, pour revenir sur le leasing lancé pour les voitures électriques et évoquer l'avenir de l'industrie automobile.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'Industrie, le 14 novembre 2023. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Emmanuel Macron annonçait le 14 décembre le leasing de voitures électriques à 100 euros par mois pour les plus modestes. Concomitamment, la liste des voitures électriques éligibles au bonus électrique à partir du 1er janvier 2024 a été publiée. Sur la base de critères environnementaux, ce nouveau bonus, une version remodelée du "bonus écologique", favorisera presque exclusivement des modèles électriques produits en France ou en Europe. Roland Lescure, le ministre délégué chargé de l'Industrie était l'invité éco de franceinfo, vendredi 15 décembre, pour revenir sur ces annonces.

franceinfo : Avec ce nouveau bonus, l'idée est de favoriser la production française et européenne, c'est du protectionnisme assumé ?

Roland Lescure : Non, c'est intégrer le fait que quand on met un milliard d'euros dans le bonus automobile pour aider nos concitoyens à acheter des véhicules électriques, il est quand même incompréhensible que 300 millions de ce milliard partent au bout du monde pour des producteurs qui sont au bout du monde et dont la production elle-même est très carbonée. On a des producteurs européens pour l'essentiel, qui produisent propre et donc évidemment, si on doit subventionner la demande, c’est-à-dire les acheteurs, il faut qu'on puisse le faire avec des véhicules qui sont effectivement propres de la production à l'autoroute.

Le leasing pour les voitures électriques, annoncé par le président, va-t-il convaincre les automobilistes de choisir français ou européen face à la concurrence chinoise et américaine ?

Oui, nous, on en est convaincu. Moi, je suis convaincu qu'on peut réconcilier économie, écologie et social : économie, c'est produire chez nous ; écologie, c'est décarboné ; et social, c'est le faire pour tous et pour toutes. Le leasing social va permettre à des Françaises et des Français, dont le revenu est modeste et qui circulent beaucoup, d'avoir accès à un véhicule électrique à 100 euros par mois qui va leur permettre évidemment d'accélérer leur transition carbone à eux. Au fond, tout le monde aujourd'hui va se décarboner en le faisant avec l'appui de l'État et en le faisant, qui plus est, et c'est important, en achetant des véhicules français et européens.

Peut-on produire en France une petite voiture électrique comme la future Twingo de Renault ? Ce n'est pas tranché chez le constructeur, mais il semble qu'on penche plutôt pour une production en Slovénie.

Pour la Twingo, on verra. En tout cas, on sait déjà que Renault s'est engagé à produire la nouvelle R5 en France. Moi, la R5, c'était ma première voiture, c'était il y a bien longtemps. De voir qu'une voiture mythique de ce type va être réinventée, électrique, produite en France, c'est une excellente nouvelle. Quand on fait la somme de tous les engagements de construction en France des véhicules dans les années qui viennent, on en aura plus d'un million d'ici 2027 et près de deux millions d'ici 2030. Donc la réponse est : oui, on peut produire électrique en France, y compris des véhicules de taille modeste. On va produire aussi ailleurs en Europe et on va vendre aussi en Europe. D'ailleurs, j'espère que les R5 ne se vendront pas seulement en France. Mais je suis fier que le marché européen, qui est un marché moteur dans l'électrification, se fasse avec l'accompagnement des constructeurs français Peugeot, Renault, Citroën et quelques autres.

Êtes-vous confiant pour un calendrier tenu pour la fin de la vente des voitures neuves à moteur thermique en Europe en 2035 ?

Extrêmement confiant. D'abord parce que nous avons donné de la visibilité aux industriels en Europe et c'est le seul endroit au monde où on s'y est engagé. On a donné une date précise et ensuite, évidemment, on accompagne les industriels dans cette mutation, les grands dont j'ai parlé, les constructeurs, mais aussi toutes les filières. Parce que les grands, j'allais dire ils peuvent faire, ils savent faire. Mais toutes les petites et moyennes entreprises qui constituent le tissu du secteur automobile, on les accompagne aussi dans ce cadre-là, avec de la visibilité, des subventions et aussi de l'accompagnement des talents. Parce qu'au fond, le défi majeur, ça va être de réussir à faire en sorte que des gens qui aujourd'hui sont reconnus pour la qualité de leur travail dans la mécanique traditionnelle puissent évoluer vers les nouveaux métiers. Vous le savez, on crée des gigafactories qui vont construire des batteries électriques partout dans les Hauts-de-France.

Il y a des emplois qui existent aujourd'hui, par exemple l'usine Bosch de Rodez où on fabrique des moteurs diesel. Qu'est ce qui peut être fait pour ces salariés-là ?

Bosch à Rodez, c'est un bon exemple. À la fois du défi et des solutions. Bosch et les organisations syndicales ont signé un accord, qui vient d'ailleurs d'être prolongé de deux ans, de manière à maintenir l'emploi jusqu'en 2028 - et même au-delà de 2030 - d'au moins 500 salariés. Et d'ici là, Bosch s'engage à mettre en place des activités de substitution vers l'hydrogène ou vers les nouvelles technologies. Elles ne sont pas encore là mais j'ai mis beaucoup de pression à Bosch cette semaine pour m'assurer qu'une alternative serait bien trouvée. En tout cas, là aussi, on a donné de la perspective aux salariés de Bosch et de Rodez. Et je salue de ce point de vue la responsabilité des organisations syndicales qui avaient signé cet accord de manière à ce qu'on puisse accompagner les employés de Bosch pour qu'eux aussi puissent être formés aux métiers de demain.

Au-delà de ce site, pourra-t-on accompagner dans une reconversion ou vers d'autres postes tous ces salariés qui travaillent aujourd'hui sur des véhicules thermiques ?

Je ne peux pas vous dire que toutes les entreprises qui aujourd'hui sont mobilisées dans la filière passeront cette transition sans. Mais notre devoir absolu, c'est que les salariés, eux, le fassent. Il y a aujourd'hui des entreprises dans cette nouvelle filière qui sont en pleine croissance. Il y en a d'autres qui sont en transition. Il y en a d'autres qui, malheureusement, vont faire face à des défis majeurs. Mais notre devoir absolu, c'est d'accompagner tous les salariés et je dirais même plus d'attirer des jeunes et des moins jeunes vers ces nouvelles filières d'avenir. Par exemple à Douvrin, Stellantis qui fait un accord qui forme les salariés qui faisaient des moteurs thermiques pour la gigafactory qu'on a inauguré, qui va fabriquer des batteries électriques. Bien sûr que c'est possible. Je ne vais pas vous dire que c'est facile, mais c'est un devoir impérieux. La transition écologique, elle doit se faire avec tout le monde et en accompagnant tout le monde.

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