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Olivier Binet (Karos) : "Sur le covoiturage domicile/travail, il y a une lame de fond"

Olivier Binet, co-fondateur de la plateforme de covoiturage Karos, était l'invité de "L'interview éco" mardi sur franceinfo.

Article rédigé par franceinfo, Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Olivier Binet, co-fondateur de la plateforme de covoiturage Karos, le 8 mai 2018. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Alors que les cheminots se mobilisent depuis seize jours contre la réforme ferroviaire, les plateformes de covoiturage en profitent. Olivier Binet, co-fondateur de Karos, l’un des leaders du covoiturage pour les petits trajets, constate le 8 mai sur franceinfo que la croissance de l'entreprise s'est accélérée avec la grève qui leur a "apporté beaucoup d'utilisateurs". Il incite au changement d'habitudes des conducteurs, pour que "la voiture partagée" devienne "un transport collectif dans les zones complémentaires", notamment grâce à des mesures d'incitations fiscales. 

franceinfo : La grève à la SNCF a commencé il y a plus d’un mois maintenant, qu’a-t-elle changé pour vous ?

Olivier Binet : La grève nous a apporté beaucoup d’utilisateurs, notre croissance s’est accélérée. Pour exemple, au premier jour de grève, on a eu deux fois plus de covoiturages qu’un jour normal sur la semaine précédente. Mais il ne faut jamais oublier que tout cela s’inscrit dans une croissance d’activité qui est de 8% par semaine, depuis plus de 20 mois maintenant. On constate une vraie lame de fond sur notre activité de covoiturage domicile-travail. Ce que je trouve intéressant dans la grève, c’est qu’on voit que 68% des utilisateurs qui viennent covoiturer pour la première fois sur Karos un jour de grève restent covoitureurs ensuite. Pour les deux-tiers d’entre eux, ils continuent à covoiturer les jours où il n’y a pas grève, car ils ont pu constater qu’ils économisent du temps de trajet (24 minutes en moyenne), et qu'ils économisent en pouvoir d’achat : en moyenne 80 euros par mois pour ceux qui étaient seuls dans leur véhicule. Et ce qui est très intéressant, c’est qu’ils rencontrent beaucoup de monde et transforment leur expérience ennuyeuse d’être seuls dans les transports quotidiennement, en une expérience partagée avec d’autres personnes.  

Plusieurs sociétés proposent du covoiturage, et pourtant, malgré des chiffres de progression importants, dans la globalité, très peu de gens y ont encore recours. Il n’y a pas encore de vrai décollage du covoiturage courte-distance. Comment cela se fait ?  

La réalité, c’est que jusqu’ici, le covoiturage était vécu comme quelque chose de contraignant pour aller au travail. Depuis quatre ans, chez Karos, on développe des technologies autour de la géolocalisation de votre smartphone et autour de l’intelligence artificielle, pour comprendre vos habitudes de déplacements : quel est votre itinéraire ? Quels sont vos horaires ? L’application anticipe vos besoins et vous trouve automatiquement des gens pour covoiturer. C’est une différence fondamentale entre le covoiturage qui consiste à voyager tous les jours avec la même personne à la même heure, sur le même trajet, et un covoiturage qui devient vraiment souple et flexible, qui ressemble beaucoup plus aux transports collectifs puisque quand vous ouvrez l’application Karos en tant que passager, vous avez en moyenne 18 personnes qui peuvent vous emmener à peu près à l’heure à laquelle vous voulez partir.  

Est-ce que cela va suffire à faire décoller ce service de covoiturage ?

Il faut trouver des entreprises qui développent des technologies innovantes, mais effectivement, pour aller beaucoup plus loin, il faut travailler dans l’optique qui consiste à transformer la voiture individuelle en transport collectif. Transformer le transport collectif, cela veut dire porter le covoiturage sur le terrain du service public, et cela implique le travail des collectivités locales qui ont tout intérêt à s’approprier ce type de solutions. C’est le cas en Ile-de-France, avec du covoiturage gratuit pendant la grève, aux frais de la région, et puis pendant un trimestre l’année dernière. Deux euros financés par trajet, ce qui nous permet d’aligner le coût pour un passager sur celui du transport collectif. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'on peut intégrer notamment des trajets Karos dans son forfait Navigo, et mettre le ticket Karos pour les non-porteurs du forfait au prix du ticket de bus. Vraiment faire de la voiture partagée un transport collectif. On est allé encore plus loin avec la région Normandie, dans le cadre d’un de nos contrats Karos territoire (l'offre auprès des collectivités locales), qui consiste à se connecter au réseau de transport collectif pour pouvoir proposer les meilleurs trajets possibles en combiné. L’idée n’est pas de concurrencer le train, le bus ou le métro, mais l’idée est de dire que la voiture partagée est un transport collectif dans les zones complémentaires.  

Dans chaque voiture en Ile de France, en moyenne 1,1 passager est à bord. C’est très peu, est- ce que là on est dans un problème culturel ou dans un problème technique ?  

On était dans un problème culturel et technique, car on n’arrivait pas à trouver la masse critique, c’est-à-dire nos conducteurs et nos passagers. Aujourd'hui, si vous venez vous inscrire en Ile-de-France sur Karos, vous avez 90% de chances de trouver du monde pour votre trajet demain matin, et vous avez en moyenne 18 trajets. C’est ça la masse critique : vous avez accès à un vrai réseau de transport. À partir du moment qu’on a réglé la problématique technologique, il faut régler la problématique du changement d’habitudes. La loi sur l’orientation des mobilités sera probablement promulguée autour d’octobre 2018 pourra le permettre, et on attend des mesures d’incitations fiscales notamment, et des mesures pour les entreprises qui souhaitent développer le covoiturage.

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