Immobilier : "Si avec les taux qui baissent, les vendeurs remontent leurs prix, on va retrouver une situation de blocage", déclare le président de Century 21

Charles Marinakis, président de Century 21 se réjouit des transactions qui repartent depuis cet été. Beaucoup de Français se sont lancés dans un achat immobilier en voyant la baisse des prix s'accompagner d'une première baisse des taux.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8 min
Charles Marinakis, président de Century 21. (RADIOFRANCE)

Century 21 est un des réseaux d'agences immobilières les plus importants. En France, il est le premier en volume, avec presque un millier d'agences, ce qui donne une vision globale du marché de l'immobilier dans l'ancien, maisons et appartements. Cela permet à son président Charles Marinakis de dresser un bilan des neuf premiers mois de l'année.

franceinfo : Comment se porte le marché ?

Charles Marinakis : Plutôt mieux. On a connu des périodes bien plus difficiles. On a fait un été finalement qui était assez inespéré. Pour être tout à fait franc, on avait imaginé que l'opacité de la situation politique de la France allait réfréner l'ardeur des acquéreurs. Il n'en a rien été. Donc on est plutôt satisfait de ça. On est surtout satisfait de voir que de nouveau, les deux éléments clés de notre marché s'allient, c'est-à-dire une baisse des prix accompagnée d'une baisse des taux. Et c'est mécaniquement ce qui a donné une respiration incontestablement.

Et donc la baisse des prix a bien lieu et elle dure ?

Oui, elle dure, mais elle était nécessaire à la sortie de la période d'euphorie 2021, dès que les taux se sont envolés mécaniquement, il fallait que les prix baissent. J'avais appelé à ce que les prix baissent de 12 à 15%.

"Les prix ont baissé de 12% en deux ans, ce qui était nécessaire."

Charles Marinakis, président de Century 21

à franceinfo

C'était nécessaire, parce qu'on n'était plus capable de financer ces prix-là avec des taux qui étaient à 5,5%, quand on était capables de les financer sur des taux à 1,2%.

Les taux sont à 3,5% sur 20 ans. Quel est le panorama de la baisse des prix ?

La baisse des prix la plus marquée est peut-être à Paris, avec -6%, et un volume de transactions qui a aussi baissé de 1,2%. Mais on va dire qu'en France c'est -2,2% pour les appartements et -3,5% pour les maisons. Après le Covid, ce sont les maisons qui avaient beaucoup flambé et mis le feu au marché de l'immobilier. Donc tout ça est revenu un petit peu à la raison, avec des disparités d'une région à l'autre.

Il y a quand même des régions où ça continue à augmenter.

Oui, la région PACA, typiquement. C'est le soleil qui l'emporte sur la raison et les prix n'ont toujours pas baissé. En Normandie, les prix sont revenus un peu à la hausse, mais ils avaient beaucoup baissé. À chaque région sa vérité.

Et sur Paris, vous pensez que ça va continuer à baisser, ou pensez-vous qu'on est arrivé aujourd'hui à un niveau raisonnable ?

Vous savez, on est à 9 200 euros du mètre carré. À l'époque, quand on avait annoncé la première fois qu'on passait sous la barre des 10 000 euros, on avait lancé une bombe dans le marché de l'immobilier. Non, ça va s'ajuster.

"J'ai toujours été convaincu que ce marché a cette faculté de s'auto-réguler. Et le marché parisien s'est auto-régulé plus vite que les autres."

Charles Marinakis

à franceinfo

C'est un appel aux vendeurs que vous faites ?

Oui, je ne voudrais pas qu'on retrouve une situation de crispation, avec des vendeurs qui, voyant les taux baisser, remontent leurs prix. S'ils font ça, on va retrouver une situation de blocage et ils ne vendront pas leurs biens.

Donc aujourd'hui, les transactions ont repris. Le volume des ventes est plutôt satisfaisant ?

Il n’est pas encore visible, mais on le voit dans des compromis, et ça va se traduire dans les mois qui viennent. Mais oui, c'est la première fois depuis très longtemps qu'on voit les taux et les prix qui sont à la baisse et c'est ça qui encourage les transactions.

Dans votre dossier de presse, on peut lire qu'il y a énormément de consultations sur votre site internet avec des gens qui se demandent ce qu'ils vont pouvoir acheter. Cela signifie-t-il que les acheteurs pensent que les prix vont continuer à baisser ?

Oui, ils vont baisser, ils vont s'ajuster. Ce que j'appelle une baisse, c'est deux chiffres. Là, ça va être un ajustement entre 1 et 3%. On arrivera en fin d'année 2024 avec des prix qui auront baissé sur deux ans de 15%, ce qui était nécessaire. L'étonnante surprise de cet été, c'est qu'on a pensé que le marasme politique, l'incertitude politique auraient pu crisper les acquéreurs. Mais en fait, il s'est passé le contraire. Ils se sont dit il y a eu une première baisse des taux, on sait ce qu'on a, les prix ont baissé, finalement on y va. Parce qu'on ne sait pas ce qu'on va trouver.

C'est peut-être un des seuls secteurs où il n'y a pas eu d'immobilisme à cause de l'immobilisme politique.

Contre toute attente.

Nous sommes en plein débat budgétaire ? La niche fiscale sur l'investissement locatif. Le dispositif Pinel va disparaître à la fin de l'année, ce que déplorent évidemment les promoteurs immobiliers. Est-ce que vous aussi, vous craignez d'être victime de l'obligation de restaurer les finances publiques ?

Pour le coup, en tant que citoyen, je vais supporter, comme tous, l'obligation de restaurer les finances publiques. Si ça se traduit par une modification de la fiscalité, je pense qu'on sera peut-être épargné par cette fiscalité-là. Peut-être que la fiscalité du bailleur privé est un vrai sujet. Parce qu'aujourd'hui, il y a des disparités entre les bailleurs privés qui mettent leurs biens sur le parc locatif privé et ceux qui le louent de manière saisonnière, typiquement dans le statut de loueur professionnel non meublé. Mais on est générateur de recettes pour l'État. On génère des droits de mutation à chaque fois qu'il y a des transactions. Et on s'aperçoit aujourd'hui que la baisse de volume des transactions, c'est 8 milliards d'euros de manque à gagner. Et ces 8 milliards pénalisent directement les communes, les régions, les départements qui sont les principaux destinataires de ces recettes fiscales. Donc je n'ose pas imaginer que l'État va de nouveau sanctionner fiscalement cette décentralisation qu'il a mise en place il y a quelques années.

Donc vous ne faites pas partie des lobbies qui commencent à hurler au loup ?

Vous savez, l'ancien a toujours eu cette faculté à s'autoréguler. La seule fois où on a vraiment bénéficié d'un dispositif, c'était la déductibilité des intérêts des emprunts. Le reste du temps, c'est un prix de marché, un prix de l'offre et de la demande, on n'a jamais été sous perfusion de l'État.

La pierre reste un investissement, mais on voit en même temps que les acquisitions de logement pour l'investissement locatif reculent. Ça signifie que la plupart des acquéreurs veulent habiter leur bien, ce n'est pas de la spéculation, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour le secteur ?

En France, le logement, c'est 82% de résidences principales, à peine 10% de résidences secondaires et surtout 8 % de logements vacants. Le vrai scandale, il est là : il y a plus de 3 millions de logements vacants en France. C'est sur ce segment de marché qu'il faut qu'on fasse tous un travail important. Il y a une anomalie entre une demande de logement qui n'est pas nourrie pour des gens qui n'ont pas à se loger ou pas dans de bonnes conditions, et ces 3 millions de logements vacants. C'est une problématique qui traîne depuis des années, que personne n'arrive à régler. Donc je pense qu'on devrait mettre notre énergie là-dessus.

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