Négociations PME/grande distribution : "On n'est pas au juste prix dans nos entreprises", regrette Léonard Prunier, le président de la FEEF
Derniers jours pour les négociations commerciales entre la grande distribution et les PME (Petites et moyennes entreprises) et ETI (Entreprises de taille moyenne) de l'agroalimentaire. Pour ces entreprises de moins de 350 millions de chiffre d'affaires, les accords avec la distribution sur les tarifs doivent être signés avant lundi 15 janvier à minuit. Léonard Prunier, président de la FEEF, la Fédération des Enterprises et Entrepreneurs de France participe à ces discussions.
franceinfo : Léonard Prunier, vous êtes président de la FEEF, et vous représentez 22 000 PME et ETI des produits de consommation du quotidien. La date butoir est lundi 15 janvier à minuit. Où en êtes-vous ? Est-ce que chez vous tout le monde va signer ?
Léonard Prunier : On reste dans la confiance que tout le monde va signer. On a tous besoin les uns des autres, on a besoin de trouver un accord. Par contre, les négociations ne sont pas terminées et globalement, on n'a pas encore forcément trouvé le bon équilibre dans les relations et dans le juste prix de vente entre nous, industriels/PME/ETI du territoire, et la distribution.
Vous en êtes à combien de signataires à ce stade ?
Au dernier sondage la semaine dernière, vendredi, on était à 53% de contrats signés. Après, ça va aller très vite. De toute façon, on a tous intérêt à trouver un accord et on a besoin de signer avant lundi soir.
Qu'est-ce que vous demandiez, vous, au niveau des prix ?
Alors nos adhérents demandaient en moyenne 3% de hausse. Pourquoi une hausse ? On parle beaucoup de baisse, mais nous, nos charges continuent à augmenter. Il faut avoir conscience que les matières agricoles, on les a payées 7,3% plus cher, comme les matières industrielles par rapport à l'année dernière. L'énergie dans les entreprises, c'est 62% de hausse. Donc en moyenne, nos entreprises demandaient 3% de hausse aux distributeurs.
Et qu'obtenez-vous ?
Pour l'instant, on voit les premiers retours. On est en moyenne entre 0 et une baisse de -1%. Donc ce n'est pas satisfaisant, parce que nos entreprises ont besoin de résultats pour investir, pour embaucher. Déjà entre 2021 et 2022, on était passé de 26% à 30% d'entreprises qui perdaient de l'argent. Et là, nous annonçons le chiffre de 72% d'entreprises qui ont encore baissé leurs résultats.
Mais vous signez quand même.
Oui on signe parce qu'il faut trouver un accord. On a besoin d'avoir nos références en rayon, mais il va falloir qu'on trouve un moyen de trouver le juste prix. Aujourd'hui, on n'est pas au juste prix dans nos entreprises.
Qu'est-ce qui s'est passé alors ? Est-ce que vous n'avez pas réussi à faire entendre vos besoins pendant ces négociations ?
On n'arrive pas à les faire complètement entendre. Et puis je pense que le système de négociation est très compliqué, beaucoup trop compliqué. Aujourd'hui, on détaille tout, on met des formules de calcul, on voit que ça ne marche pas bien. Il a été mis en place avec EGALIM la répercussion du prix de l'agriculture aux industriels. Et ça, c'est très bien. Il faut continuer. On a besoin d'une agriculture forte et qui puisse investir. Mais nous, on ne nous a pas sanctuarisés la totalité de nos coûts. Donc on a besoin de revoir la loi et surtout de la simplifier.
Vos négociations tout de même passent avant les gros industriels. Ça, c'est quelque chose qui vous satisfait.
Ah ça, c'était vraiment une avancée majeure. Il faut bien avouer que dans la relation commerciale, c'est le seul pan du droit où il n'y avait pas de différence, alors que tous les pans du droit sont là pour rétablir l'équilibre entre la partie la plus faible au contrat et la partie la plus forte. Donc ça, ça a vraiment été une avancée. D'ailleurs, on l'a bien vu, toutes les filiales de grands groupes internationaux ont essayé de passer à la même date que les PME. Donc ça veut bien dire qu'il y a un enjeu. C'est surtout un enjeu d'accès aux linéaires. Mais après, il va falloir qu'on prenne le temps d'aller plus loin parce que nous, on a besoin d'un juste prix.
Vous voudriez quoi ?
Alors il faut qu'on ouvre un débat global. On ne peut pas prendre juste le calendrier. Il faut qu'on voie à quel prix on peut vendre, comment s'appliquent nos tarifs à la hausse ou à la baisse, en fonction des variations de nos coûts. Quels sont les plans d'affaires qu'on peut développer ? On a besoin de se poser, de prendre un temps de pause. Là-dessus, Gabriel Attal, il l'a dit lors de son installation, veut libérer notre économie avec la simplification drastique de la vie des entreprises et des entrepreneurs. Et dans la relation commerciale, on a on a besoin d'une libération et de simplifier drastiquement nos relations commerciales.
La simplification, le chef de l'État, Bruno Lemaire aussi, en parlent beaucoup. C'est un mot qui revient beaucoup dans la bouche de membres de l'exécutif. Est-ce que ça va dans le bon sens ?
Ça va dans le bon sens. Nous, la FEEF, on fait des propositions. Et en fait, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que dans la relation industrie-PME/ETI, qui est très différente de la relation des multinationales avec les distributeurs, nous, on a juste besoin de vendre à un juste prix, qui rémunère tout, le monde agricole et nos entreprises. On ne cherche pas le prix le plus fort possible, pas du tout. On veut un juste prix, que derrière pour le distributeur, ça marche, et que le consommateur ait le bon prix.
Vous n'avez pas obtenu pour l'instant les hausses de prix que vous demandiez. Mais est-ce que vous arrivez, dans ces négociations avec les distributeurs, à obtenir par exemple des expositions en rayon, un accès à la promotion ?
Ah oui, à la FEEF, on a développé le label "PME+", pour que les consommateurs identifient les produits fabriqués par les PME et les ETI françaises. Et on voit qu'il y a un très bon accueil des distributeurs à ce niveau-là. Donc on arrive à trouver des accords, à mettre en avant nos produits. Maintenant, il faut qu'on trouve le bon prix, sachant qu'il y a une concurrence très forte entre distributeurs. Eux aussi, ils sont à la recherche des consommateurs, donc c'est tout un équilibre à trouver.
Vous parliez de vos charges. Quels sont vos coûts en 2023 ? Et question annexe, est-ce qu'ils ont été répercutés sur vos prix ?
Globalement, le juge de paix, c'est le résultat net, ce qu'on appelle le bénéfice. Comme pour le consommateur, entre le salaire et les dépenses. Et globalement, on voit que l'écart se réduit de plus en plus, donc nos bénéfices diminuent. Et c'est préoccupant pour l'avenir parce que cela veut dire moins d'investissement et moins de créations d'emplois. Nos entreprises en 2022 ont encore augmenté leurs effectifs de 3,4%. Donc on reste confiant dans l'avenir. On est comme tous les entrepreneurs engagés sur notre territoire. Mais il y a un moment, il va falloir qu'on arrive à augmenter nos résultats pour l'investissement, pour l'avenir.
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