Planification écologique : "Il faut se réintéresser à la cuisine, à la diversification des aliments" pour Anna Notarianni du Groupe Sodexo
Réduire nos émissions de gaz à effet de serre de moitié d’ici 2030, c'est l'objet de la planification écologique présentée lundi 18 septembre par la Première ministre, Elisabeth Borne, aux différents partis politiques avant une présentation officielle par le président de la République, Emmanuel Macron le lundi suivant. Des objectifs chiffrés ont été mis en place par le gouvernement. Tous les secteurs sont mis à contribution. Anna Notarianni, secrétaire générale et directrice impact du Groupe Sodexo, leader de la restauration collective en France, nous explique leur stratégie pour réduire leur empreinte carbone.
franceinfo : Le gouvernement Borne se fixe donc un objectif de baisse des émissions de CO2 de quelque 13 millions de tonnes pour le secteur agricole à horizon 2030. C'est énorme et cela suppose que les Français réduisent sérieusement leur consommation de viande. Est-ce que c'est vrai qu'on mange plus de viande en France qu'ailleurs ?
Anna Notarianni : Je pense qu'il faut faire la promotion d'une alimentation durable. Ça veut dire apporter plus de végétaux dans l'alimentation et ça ne veut pas dire du tout supprimer la viande, parce que la viande est une bonne protéine qui est utile. Mais ça veut dire limiter les excès. C'est une des recommandations du GIEC. Et le groupe Sodexo a commencé sa transition alimentaire en 2017 en travaillant d'abord les produits durables, en travaillant avec ses fournisseurs. Sodexo a pris des engagements à 2025 de baisser nos gaz à effet de serre de -35%. Et l'année dernière, on était à -28%.
Comment est ce qu'on fait en sorte qu'à la cantine, on choisisse de l'alimentation végétale plutôt qu'animale? Le steak de soja, ce n'est pas toujours très appétissant.
Vous venez de prononcer le mot magique. Ce n'est pas toujours "appétissant". Il faut que ça devienne toujours très appétissant et très goûteux. Comment est-ce qu'on fait ? C'est très simple, on forme le chef à la gastronomie végétale. C'est une vraie expertise culinaire. C'est par le plaisir qu'on peut végétaliser l'alimentation. Et donc je vais vous donner quatre exemples de menus qu'on appelle bas carbone. Par exemple le colombo de poulet à la patate douce. En restauration commerciale, on fait un carpaccio de bœuf aux petits légumes acidulés, un confit d'aubergine à la feta. Et pour les gourmands, on a des cakes au chocolat et aux lentilles. C'est par la diversité de l'alimentation qu'on replace une offre qui a été particulièrement bien travaillée, cuisinée et présentée aux consommateurs. Quand nos chefs reviennent de la formation à l'école Lenôtre sur la cuisine végétale, on constate une augmentation de 30% de la consommation de ces mets.
On voit que l'importation de viande a augmenté, notamment dans la restauration collective, de plus de 10%. C'est quand même contradictoire avec une alimentation de meilleure qualité, plus proche de chez nous. C'est parce que ça coûte moins cher ?
La composante du prix existe. Ce qu'il faut faire, c'est lutter tous ensemble contre le gaspillage. Ce n'est pas normal d'avoir autant de gaspillage sur toute la filière alimentaire dans le monde. C'est 35% de gaspillage alimentaire. Et donc oui, il faut consommer mieux de viande et donc il ne faut pas consommer plus de viande si ce n'est pas mieux de viande. Et vraiment ça, c'est le credo de chez Sodexo.
Mais en attendant, si l'importation de viande augmente dans la restauration collective, c'est parce que les donneurs d'ordres vous demandent aussi de faire attention aux prix. On a une inflation alimentaire de plus de 11%.
Chez Sodexo, on consomme pratiquement exclusivement de la viande d'origine française. Donc c'est un travail de longue haleine avec les clients, avec les fournisseurs. Et donc oui, bien entendu, il faut tous ensemble prendre la mesure que la lutte contre le gaspillage alimentaire, c'est une des solutions pour maîtriser les coûts. Mais encore une fois, je le répète, il faut se réintéresser à la cuisine, à la diversification des aliments. C'est la solution. Et c'est par le plaisir gustatif et culinaire qu'on élargit et qu'on change les comportements. La transition alimentaire, on y est parti pour des années, donc il faut organiser cette coopération, les filières locales et investir dans la formation, dans l'éducation des consommateurs.
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