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Réforme des retraites : "Le problème aujourd'hui, c'est de repenser le travail", selon la présidente du Centre des jeunes dirigeants

Après des mois de manifestations, de batailles dans la rue et au parlement, la réforme des retraites entre officiellement en rigueur le vendredi 1er septembre. Le réseau de jeunes dirigeants CJD réagit en la qualifiant d'"inéquitable", sa présidente Mélanie Tisserand-Berger est l'invitée éco de franceinfo.
Article rédigé par franceinfo
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PHOTOPQR/SUD OUEST/MAXPPP (XAVIER LEOTY / PHOTOPQR/SUD OUEST/MAXPPP)

Après des mois de tensions, le texte de la réforme des retraites va commencer à s'appliquer, repoussant pregressivement l'âge de départ de 62 à 64 ans, d'ici à 2030. La présidente du Centre des jeunes dirigeants, Mélanie Tisserand-Berger, nous donne son analyse. Son réseau comprend 5 700 membres, jeunes dirigeants de PME et de TPE, qui regroupent en tout 450 000 salariés.

franceinfo : Votre mot d'ordre est : "Osons être dirigeants et dirigeantes autrement", est-ce que vous êtes déjà confrontés à la réforme des retraites ?

On a fait un sondage au sein de notre réseau pour savoir comment les membres du CJD percevaient non pas la réforme, mais en l'occurrence leurs propres retraites. Et en gros, ils pensent pouvoir partir dans l'ensemble vers 66 ans. Mais ils y sont surtout confrontés au niveau de leurs collaborateurs.

Ça veut dire qu'il a fallu se préparer très vite ?

En fait, la problématique aujourd'hui, c'est qu'on a une population dans nos entreprises qui vieillit. Nos collaborateurs vieillissent quand ils restent dans nos entreprises. Il faut aussi savoir s'adapter, dans le BTP en particulier. Un de nos adhérents me disait : "Mais en fait, à 50 ans, 55 ans, mes gars sont cassés, on ne peut pas continuer à travailler avec eux de la même façon."

Quelles sont les remontées, quelques mois après l'adoption de cette réforme, avec à la fois des problématiques de fatigue générale, de difficulté d'emploi des seniors ? Vous la trouviez inéquitable ces derniers mois.

On la trouve inéquitable et en fait, on trouve surtout qu'elle n'aborde pas le bon problème. Parce que le bon problème aujourd'hui, c'est de repenser le travail. On le constate. Aujourd'hui les jeunes, on a du mal à les recruter, on a du mal à garder des collaborateurs et il y a plein de jeunes qui nous disent, on l'entend en permanence : "De toute façon, la retraite moi je n'en aurai pas." Donc il y a vraiment bien une problématique avec cette retraite.

À tous les âges ?

Oui, à tous les âges et ce qui est absolument insupportable, c'est d'entendre des gens dire : "Vivement la retraite que je puisse en profiter." Ça montre bien qu'on a un vrai problème avec le travail dans notre société et ça dit quel rapport on a au travail.

L'idée du travail qui épanouit, dans lequel on se sent bien, qui est régulièrement vantée par Emmanuel Macron, c'est une ambition sans doute, mais ce n'est pas une réalité, loin de là aujourd'hui ?

Non seulement ce n'est pas une réalité, mais en plus, je trouve que c'est carrément gonflé de pouvoir dire ça,  l'épanouissement au travail, parce qu'il y a des métiers extrêmement difficiles. Comment peut-on dire qu'on va s'épanouir dans certains métiers, quand on se lève hyper tôt, quand on travaille en trois huit par exemple, c'est épuisant pour le corps. 

Que faire pour équilibrer et faire évoluer ce rapport au travail ? Comment permettre aussi que les seniors travaillent jusqu'à l'âge de la retraite - ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui, il y a un vrai sujet là-dessus - tout en prenant en compte la courbe de l'âge de la société française ?

Alors  je ne suis pas dans le budget de l'État, je n'ai pas forcément la solution miracle...

Mais vous êtes expert-comptable...

Il y a quand même des choses qui semblent assez ahurissantes, quand on regarde les richesses qui sont produites. En France, elles sont incontestables, on crée de la richesse. Est-ce qu'elle redescend dans la poche des travailleurs ? J'inclus dans les travailleurs évidemment toutes nos équipes, avec nous aussi, les dirigeants d'entreprise : au CJD, ce qu'on prône, c'est d'être une vraie équipe et donc il va falloir faire redescendre cette richesse. On parlait des superprofits il n'y a pas très longtemps, pourquoi les superprofits restent toujours entre les mains des mêmes personnes, et pourquoi il n'y a pas une captation pour équilibrer l'ensemble du système ?

On parlait du travail des seniors, justement avec la question de l'âge. Est-ce qu'il y a des politiques particulières que vous plébiscitez aujourd'hui ?

Sur le travail des seniors, je vais sortir un mot que j'aime bien, je pense qu'il faut le "réenchanter". En rebond avec ce que je vous disais juste avant, c'est comment faire en sorte que les gens se disent pas "vivement la retraite pour que je puisse en profiter" ! Comment mettre en place des programmes de formation et de mentorat pour équilibrer le tout.

Il y aura une conférence sociale sur les bas salaires. On ne connaît pas le calendrier encore, mais ça a été confirmé hier. Faites-vous un geste, depuis qu'il y a une poussée d'inflation, plaidez-vous pour augmenter les salaires ?

Bien entendu, non seulement pour augmenter les salaires - d'ailleurs, ça s'est fait, on l'a mesuré très largement dans le mouvement. Non seulement il y a une augmentation des salaires, mais il y a eu aussi une mise en place de tout un tas de dispositifs de partage de la valeur au sein du mouvement. On ne peut pas avoir l'inflation que l'on a et dire que pour nos équipes, tout va bien. Si on n'augmente pas les salaires, c'est n'importe quoi !

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