Tireur fou : un climat qui dégénère
"A force de tout
déconstruire, les fous passent à l'acte. Ils peuvent poignarder un député, tirer
sur un journaliste. Nous sommes dans une société qui perd peu à peu tout repère
et tout jugement, la violence des mots laisse la place à la violence des
gestes ". Ce constat, pessimiste, est celui d'un responsable
socialiste : Jean-Christophe Cambadélis estime désormais que le climat est
propice à tous les dérapages, à force de ne plus rien respecter. La faute vient
de loin, c'est le théorème des trois "d ", analyse Cambadélis. La
dépolitisation, la désidéologisation et la désoccidentalisation.
Les trois "d"
Cela signifie qu'aux yeux des
Français, la politique n'a plus sa place pour régler les problèmes de leur
quotidien. Les idéologies sont mortes avec la chute du mur de Berlin. Quant aux
sociétés occidentales, elles ne gouvernent plus le monde, elles connaissent
aujourd'hui la désillusion et les pires difficultés : chômage de masse,
réduction du crédit, plus d'issue pour être au niveau des standards d'hier.
Notre pays a la sensation d'une déchéance. Nous sommes passés des poussées de
fièvre, de "la France à peur " de Roger Gicquel et l'affaire Patrick
Henry en 76, à une peur permanente, entretenue par une actualité anxiogène.
Une perte de valeurs en
France.
C'est ce que dit Henri
Guaino. "Toutes les digues qui canalisent la violence ont cédé" . Pour le député UMP des Yvelines, "la
société est malade à force de tout laisser se défaire. Nous payons le prix du
renoncement à la morale, la nation, au modèle républicain, tout a été fait pour
que la politique ne puisse plus gouverner ". L'ex-conseiller spécial de
Nicolas Sarkozy s'interroge : "Nous avons élu un président qui a dit
vouloir mettre fin aux divisions provoquées par son prédécesseur. Nous sommes
désormais dans une situation où tout le monde est contre tout le monde à force
de n'écouter personne ". A la vérité, tous les pouvoirs sont
concernés : il suffit de se rappeler le discours de Grenoble du précédent
quinquennat.
Pas de débat au sein des formations politiques.
Justement, non. C'est bien là
le problème : aucune d'elles n'a réfléchi au phénomène, ce qui explique en
partie la crise de représentation que vivent aujourd'hui les partis qui ne font
pas ce travail de réflexion sur nos dérives sociétales. Chacun vit dans sa bulle.
Les politiques du coup sont désarmés.
L'évolution des médias a changé la
donne.
La cavale du tireur fou
aurait fait il y a trente ans la une des 20h
et les manchettes des grands journaux du lendemain. Le temps médiatique s'est
accéléré, la traque est vécue en direct sur les chaines d'information continue,
comme cela se passe aux Etats-Unis. La peur fait irruption au bureau, chez soi
dans le salon. C'est ainsi depuis le 11 septembre, il faut vivre avec. Les
politiques en sont souvent réduits à commenter ce film permanent. De l'écotaxe
et ses destructions, à la traque du tireur fou, ils se doivent d'être dans
l'épisode du jour, sous peine de disparaître. Notre société vit une forme de
décompensation, qui produit une violence désinhibée. Et rien n'indique que cela
va s'apaiser.
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