Championnat du monde de pâté-croûte : qui est Ryutaro Shiomi, le cuisinier japonais sacré en terre lyonnaise ?
C’est la troisième année consécutive que les japonais font main basse sur ce titre. La cinquième en tout. En terre lyonnaise ! où ce pâté en croûte – ou pâté-croute, il y a débat – est quasiment une religion. Pourtant l’annonce était sans équivoque : "Le champion du monde 2022 de pâté-croûte est Ryutaro Shiomi" a-t-on entendu sur l’estrade lyonnaise, lundi 5 décembre. Treizième champion d’une compétition qui avait débuté comme une blague. Le jury présidé cette année par Pierre Hermé a départagé 14 chefs : 9 français dont un polynésien, des américains, canadiens, suisses et don des japonais. Ryutaro Shiomi, disons le quand même, est talonné par un charcutier-traiteur lyonnais, Jérémie Crauser – à qui il manque huit points sur 1000 ! le troisième est également français : Tony Capocci de Megève.
Cuisinier d'un Relais & Château de Kobe
Qui est donc ce japonais qui bat les régionaux de l’étape ? Il a 30 ans. C'est un garçon pas très expansif. Quand on lui a demandé qu'elle était sa réaction il s’est contenté d’un : c'est super ! Il n'est pas "chef" ! Il est l'un des cuisiniers d’un Relais & Château de Kobe, le Kobe Kinato – au Japon. Il a eu l'idée de concourir parce qu'il connait le vainqueur de l’an dernier, qui lui en a parlé, et l'a même coaché. C’est par ailleurs l'un des poulains du plus français des ténors japonais de la cuisine : Sugio Yamagushi. Il lui a trouvé une cuisine dans le Jura, chez Romuald Fassenet, pour venir fabriquer son pâté toute la semaine dernière, avec tout le matériel de sa cuisine.
Visiblement, il se détachait vraiment avec son "coffret au trésor" : canard, poulet, chevreuil, marcassin et foie gras. "C'est la meilleure note que j'avais donnée, explique le chroniqueur gastronomie et membre du jury, Vincent Ferniot. Pour gagner ce championnat, il faut être parfait partout. Un la pâte, et sa pâte était excellente : fine, bien cuite, croustillante, avec un bon goût de beurre. Deux la gelée, elle doit avoir un bon goût et il doit y avoir un petit côté acidulé, sucré pour donner de la fraîcheur. Et puis trois, évidemment la farce et surtout cette texture parce que les goûts et les arômes c'est formidable, mais c'est insupportable d'avoir des farces qui sont trop dures ou manquent d'homogénéité." C'est sans hésitation, le premier choix du chroniqueur : "le Japonais a été parfait dans les trois secteurs. Visiblement ce n'était pas le plus "esthétique", pour une fois. C'est un peu le "bazar" par endroit, ajoute Vincent Ferniot, mais tout ce qui compte vraiment y était.
Comment explique-t-on que les japonais se mettent à truster ce concours ? Cela commence en 2014 avec un japonais de France : Hidé Kawamura, qui était le second de Lameuloise, un restaurant gastronomique avec trois étoiles au guide Michelin, installé à Chagny en Bourgogne. Le titre fait un peu de bruit déjà sur les réseaux sociaux. On en parle au Japon. En 2017, le chef japonais et parisien de l’Ambroisie gagne à son tour. Et là c’est de la folie : tout le monde veut concourir. En 2019 : nouvelle victoire japonaise. L’édition 2020 est annulée pour cause de COVID. Mais l’an dernier, rebelote.
Le pâté-croûte traité comme "un produit de gastronomie"
En 2022, ils étaient 70 candidats japonais pour le concours Asie qui détermine les deux finalistes en France. Soixante dix candidats, c’est plus que tous ceux d’Europe. Là, c'est un chef étoilé français, Christophe Paucod du Lugdunum à Tokyo qui s’occupe des sélections. Le niveau est tellement excellent m’a dit une organisatrice qu’ils ont décidé de prendre deux japonais en finale, comme ils prennent deux américains. Et donc Ryutaro Shiomi a gagné, le deuxième japonais a eu un prix. Au-delà de l'engouement, il y a aussi, de l'avis général dans le jury, quelque chose de plus profond qui explique cette domination japonaise. "Ils ont un côté perfectionniste qui confine à l'exceptionnel", reprend Vincent Ferniot. Ils n'ont pas la culture qu'on a nous de ce pâté-croûte bistrot, donc je pense qu'ils le traitent comme un produit de gastronomie en mettant les meilleurs produits partout. En travaillant énormément. La génération Top Chef pense qu'elle a du talent dans les mains et qu'il n'y a pas besoin de travailler. Je crois que les Japonais savent un peu se faire mal. Chez-nous, c'est plus compliqué."
Je n'ai pas réussi à savoir si Ryutaro Shiomi aime le foot, ce qui est sûr c'est que sa couronne au concours du pâté-croute a du consoler un peu le Japon qui, au même moment, lundi soir, se faisait sortir de l’autre Mondial, celui du Doha.
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