Coupe du monde 2022 : Qui est Mohamed Sanhadji alias "la République", le responsable de la sécurité des Bleus ?
L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
Lors du match entre la France et l'Angleterre en quart de finale de la Coupe du Monde de football au Qatar, samedi 10 décembre, le commandant de police détaché au service des Bleus depuis 18 ans s’installera juste derrière le banc de touche, un peu en surplomb dans les gradins. Il s'agit pour lui d'avoir une bonne vue d’ensemble, notamment sur l’accès vestiaire. Il pourra surgir en cas de blessure, puis à la pause aller garder la porte du vestiaire pour garantir l’intimité des joueurs. Partout où les Bleus vont, Mohamed Sanhadji les suit à la trace ou les précède lors des repérages. Une force tranquille, calme et sereine. Leur confident aussi depuis le temps, et qui n’a qu’un mot à la bouche : la République. Matin, midi et soir. C’est d’ailleurs le surnom que lui ont donné les joueurs, en plus de "Momo". Car à 54 ans, Mohamed Sanhadji a eu mille vies. Grâce, dit-il très ému, à l’école et aux valeurs de la République à qui il veut "renvoyer l’ascenseur".
Une enfance dans les camps de harkis
Pourtant, les treize premières années de sa vie auraient pu lui donner l’envie contraire : avec ses onze frères et sœurs, il passe 13 ans dans les camps de harkis dans le sud de la France où son père militaire est arrivé d’Algérie avant sa naissance en 1962. Treize années dont il ne garde que le meilleur. "C'était insalubre, c'était inconfortable mais avec une solidarité extraordinaire de la population locale. Il y avait de grands sacs, qui étaient déposés le soir", raconte-t-il. "Les grands prenaient les pâtes, le riz, le sucre. Ils avaient laissé ce qu'il y avait de plus précieux pour moi : il y avait un dictionnaire que j'avais caché sous le lit de mes parents et dans lequel je me plongeais tous les jours. Il y a deux choses qui m'ont marqué : ce mot 'République' qui résonnait en moi et qui m'a accompagné toute mon enfance. C'est sûr qu'aujourd'hui ça déteint sur mon travail, ça déteint sur les joueurs qui s'en inspirent. Puis, à l'époque, il y avait en première page tous les drapeaux du monde. Je les connaissais par coeur et ma vie a fait que j'ai pu faire un grand nombre de pays."
Avant le service des Bleus, c’est comme militaire qu’il a aussi beaucoup voyagé. L'ex-Yougoslavie notamment, où il se porte volontaire comme casque bleu au début des années 1990. Le gouvernement proposait aux policiers de s'engager. Le commandant Sanhadji grièvement blessé sera soigné à l'hôpital de Mitrovitsa puis rapatrié en France. Puis en 1998, il met un premier pied dans le foot : il était en charge de la sécurité au sein du comité d'organisation de la Coupe du monde française.
Le 13 novembre 2015, une date douloureuse
De ses presque deux décennies à la sécurité des Bleus, le moment le plus douloureux et le plus compliqué fut incontestablement l'attentat du 13 novembre 2015 au stade de France. D’abord parce qu'il y avait aussi l'équipe d'Allemagne à gérer. À la mi-temps, comme il avait été décidé que le match se poursuivrait pour laisser la foule en sécurité dans le stade, il fallait faire en sorte qu'aucun joueur ne sache pas ce qui se passait. Ce qui veut dire par exemple penser à éteindre tous les téléviseurs des couloirs et des vestiaires pour la mi-temps. Et évidemment à la fin du match, aller leur dire la vérité. Douloureux, car il fallait quelques jours plus tard aller assurer un match amical à Londres. Et là, cela nous ramène au match ce samedi 10 décembre contre l'Angleterre. "Momo", c'est cette image qu'il aura en tête lors de la rencontre : celle des 80 000 Anglais de Wembley chantant La Marseillaise en 2015. Depuis la sécurité des Bleus a été renforcée. "Le foot n'est plus le même depuis ce jour-là" admet-il.
Avec "Momo", on ne touche pas au Bleus
Au fil du temps, "Momo" est devenu une sorte de grand frère pour les Bleus, à qui ils se confient. Mais ne lui demandez pas s’il lui arrive aussi de les sermonner en cas d’écart de comportement. On ne touche pas aux Bleus. "Croyez-moi, il y a des choses sur lesquels je suis intransigeant et si je n'avais pas en face un véritable écho, un retour positif, s'il y avait un manque de respect de nos valeurs, je serai parti. Je ne suis tenu à rien, moi, affirme-t-il. Je peux aller servir mon pays autrement. Mais je vous assure que tous les procès qui leur sont faits sont faux. Je n'ai jamais trouver de tricheurs. Après, c'est mon devoir de le leur rappeler au quotidien. Alors c'est vrai qu'il y a des symboliques : le matin, c'est un salut militaire parce que c'est ma volonté de personnifier la République et toutes ses valeurs. C'est un salut républicain." Ce samedi donc, jour de match, la journée commencera par ce petit mouvement de la main droite à hauteur de la tempe. Mohamed SAnhadji ne vole décidément pas son surnom "la République".
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