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#BrusselsLockDown : lolcats ou censure ?

Les Belges ont contourné cette nuit une demande des autorités en inondant les réseaux sociaux de petits chats. Explications.
Article rédigé par Jean Zeid
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
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Il est un peu plus de 19 heures, hier soir, quand la rumeur court sur de vastes opérations policières antiterroristes en cours dans différents lieux de la ville. Les réseaux sociaux les relaient, les médias les évoquent. 21h26 : la police belge poste ce tweet sur les réseaux sociaux :

Et la réponse donnée par nos voisins belges fut pour le moins étonnante voir surréaliste : sur Twitter, plutôt que de diffuser des images prises par des voisins témoins des 22 perquisitions ou alors des vidéos des lieux où elles se tenaient, les internautes ont posté des clichés de chats et de de chatons. Plus de 172.000 messages en quelques heures, tous accompagnés du mot-dièse #BrusselsLockdown, Bruxelles verrouillé, un hashtag jusque-là utilisé de manière très sérieuse pour décrire une ville quasiment à l’arrêt, toujours en alerte maximum, les autorités belges craignant une réplique des attentats de Paris.

La réponse choisie par les belges fut donc des chats par milliers : des chats Jedi, des chats Dark Vador, des chats drones, des chats snipers, des chats d’Artagnan.

Pour le site Rue89, celle qui a lancée ce mouvement s’appelle Sylvie, une Bruxelloise qui a expliqué que son ami était sur un des lieux perquisitionnés et qu’elle a pris peur. Elle a donc imaginé quelque chose pour détendre l’atmosphère, avec humour. C'est peut dire que cela a marché. Le mouvement #BrusselsLockdown était né et c’est ce qu’on appelle dans le jargon des lolcats, des chats pour de rire. Tout a commencé en 2001 lorsque des Japonais postèrent des photos de leurs chatons dans des bocaux de verre puis les internautes en sont venus à sous-titrer des photos rigolotes de chats.

Hier, telle fut la réponse des belges à la demande de silence de la Police. Pourquoi des chats ? Slate suggère une réponse artistique : la référence à une toile d'un maître du surréalisme, René Magritte, originaire de Wallonie, et qui a peint en 1946 Raminagrobis, le chat attendant le train, qui montre un matou gros comme un train posé sur une voie de chemin de fer.

A moins que ce ne soit un extrait du film d'Alain Resnais, "Je t'aime, je t'aime", en 1968.

Hier soir, 23h39 : l'opération prend fin. Le centre de crise du ministère de l'Intérieur belge remercie tout le monde par un tweet :

Plus surprenant, les médias eux-mêmes ont joué le jeu.

Le quotidien Le Soir a diffusé sur sa page d'accueil une image de chat, plutôt qu'une illustration sur les interventions policières, et décidé de suspendre son direct, pour respecter les instructions de la police fédérale. Les radios de la RTBF, qui ont choisi de retransmettre de la musique en complément de l'actualité.

Le journaliste Daniel Schneidermann écrit sur le site Arrêt sur Images :

Évidemment, s'abstenir de publier des détails géographiques pendant une opération policière, ce n'est pas porter atteinte à la liberté de la presse. Mais après, va-t-on s'abstenir de critiquer cette opération policière si elle est mal menée, s'il y a de la bavure ? ” Y aura-t-il un bouton "chaton " “sur lequel le gouvernement appuiera dès qu'un détail litigieux lui semblera sur le point d'être livré ?

Et le surréalisme à la belge a connu un dernier épisode hier soir.

Pas ingrate pour un cat, la police fédérale belge a décidé de prendre sa place au banquet humoristique sur Twitter. A 12h12 exactement, alors que les opérations se poursuivaient, les forces de l'ordre ont remercié les chats qui les "ont aidé hier soir" avec un bol de croquettes virtuelles, des croquettes partagées des milliers de fois.

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