Il n'y a jamais eu d'effondrement sur l'Île de Pâques
Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon évoque aujourd'hui le fameux mythe de l’effondrement de la population de l'Île de Pâques.
franceinfo : Une nouvelle étude qui vient de paraître raconte une tout autre histoire, celle d’une incroyable résilience ?
Hervé Poirier : L’histoire est connue. Un groupe de Polynésiens débarque, vers le début du XIIIe siècle, sur une petite île perdue au milieu du Pacifique. Ils abattent tous les arbres, surexploitent les sols, se reproduisent à grande vitesse, forment des clans, mobilisent les ressources pour ériger près d’un millier de statues gigantesques.
Et l’inévitable se produit : il devient impossible de nourrir tout le monde, c’est la guerre la famine, la dépopulation. La société s’effondre, et l’environnement est à jamais dévasté. Ce récit implacable sonne comme un avertissement pour notre civilisation en pleine crise environnementale. Mais depuis une vingtaine d’années, il est remis en cause.
Une étude qui vient de paraître enfonce le clou. En fait, le peuple des Rapa Nui est resté très stable durant cinq siècles, jusqu’à l’arrivée des Européens.
Comment le sait-on ?
Des chercheurs américains ont entraîné une IA à cartographier, à partir de données satellites, les anciens jardins des Rapa Nui. Résultat : ces cultures, où dominaient les patates douces, principales ressources alimentaires pour la population, couvraient à peine 0,76 km2 sur les 164 km2 de l’île. Soit 5 à 25 fois moins que ce qui était imaginé. Conséquence : impossible que la population ait atteint 20.000 individus à son apogée, comme le mythe le raconte.
Même en supposant que la mer ait fourni une partie des besoins alimentaires, le nombre d’habitants n’a pas pu dépasser les 4000, soit grosso modo la taille de la population à l’arrivée des Européens.
Donc le mythe de l’effondrement s’effondre ?
Mieux : les études montrent comment les Rapa Nui ont su recueillir l’eau douce qui remontait de la nappe phréatique au niveau des côtes. L’analyse géochimique des pierres volcaniques, utilisées pour les statues ou les outils, montre qu’elles viennent des mêmes carrières, et qu’elles étaient donc partagées entre tous les clans. Les archéologues n’ont d’ailleurs trouvé aucun indice de guerres, de fortifications, de charnier.
Bref, une sorte d’entente cordiale aurait régné sur l’île durant des siècles. Donc oui, le mythe s’effondre. Mais c’est un autre récit qui émerge. Celui d’une formidable résilience face aux défis environnementaux. Les Rapa Nui nous ont bien légué une leçon, mais elle est pleine d’espoir.
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