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Le billet sciences du week-end. Faux tableaux, vraies émotions ou l’art du faux

Tromper l'œil des experts et se la jouer comme les grands maîtres, c’est le métier des faussaires d’art ! Alors que les musées s’apprêtent à rouvrir, nous apprenons que des imposteurs pourraient s’être glissés entre Picasso et Degas.

Article rédigé par franceinfo, Gérard Feldzer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une femme regarde un faux tableau du peintre Bernard Buffet (G) exposé à côté d'un vrai, le 11 janvier 2006 à Paris, dans le cadre de l'exposition qui doublait le colloque "Vrai ou Faux, les critères de l'authenticité dans le marché de l'art" organisé par la Confédération européenne des experts d'art (Cedea) à Drouot-Montaigne.  (FRANCK FIFE / AFP)

Selon le Fine Art Expert Institute, plus de la moitié des œuvres d’art en circulation seraient soit fausses, soit attribuées par erreur. En cause, les faussaires !

Ces  virtuoses sont capables de reproduire les techniques des artistes les plus prisés. Pour peindre comme Matisse ou Renoir, il faut du talent, comme le français Guy Ribes, faussaire repenti, qui faisait préalablement des recherches approfondies pour analyser les techniques et l’histoire des peintres qu’il imitait.   

Guy Ribes explique ce processus dans Les Pieds sur terre par Sonia Kronlund, sur France culture et dans son livre paru en 2020, Autoportrait d’un faussaire. 

Fausses oeuvres d'art signées César, prise le 1er décembre 2009, au tribunal correctionnel de Grasse, lors du procès de 10 personnes (marchands, faussaires et intermédiaires) accusées d'avoir contrefait des oeuvres du sculpteur César ou de les avoir vendues.  (STEPHANE DANNA / AFP)

Pour peindre un Chagall, il faut le romantisme, le même rêve ! J’avais une bibliothèque qui comportait 2 000 livres, j’étais donc extrêmement documenté. Je savais ce que je faisais. À chaque fois, tout le matériel qui avait servi à faire un faux, partait à la poubelle.

Guy Ribes, faussaire repenti

Une méthode pour ne pas se faire prendre mais qui ne l’empêchait pas de signer son forfait par ses initiales, cachées dans les détails de tableaux qui sont maintenant accrochées dans le monde entier ! Nonobstant ces ruses, le matériel compte aussi énormément. Pour être au plus proche des chefs-d'œuvre de l’époque, il n'utilisait que du matériel et des pigments de la période de l’artiste.

Lino Frongia, un faussaire italien est, lui, allé jusqu'à faire vieillir ses tableaux dans un four à pizza pour obtenir des craquelures de plusieurs siècles !   

Vidéo du 28 octobre 2020 sur un trafic de faux tableaux, près de Perpignan, qui dure depuis trois ans.

Repérer les faux : entre expertise et technologie  

Outre leurs connaissances, les experts utilisent des outils comme la lampe de Wood qui, par ses ultraviolets, donne des informations sur le vernis, les pigments, et même sur les peintres au travers de bases de données. Dans cette étape, l’analyse des pigments peut être décisive. Certains n’ayant commencé à être utilisés que plus récemment, leur utilisation serait une incohérence.

Les loupes lumineuses permettent, elles, de voir le type de toile et de fils utilisés. Mais les faux sont parfois si parfaits qu’il arrive que les peintres eux-mêmes certifient des tableaux réalisés par des faussaires !   

Contrefaçon d'une peinture de Goya.  (MICHEL SETBOUN / GAMMA-RAPHO VIA GETTY IMAGES)

Les outils scientifiques, ces ennemis des faussaires  

Pour aller plus loin, les experts font également appel à la science. Nous pouvons, par exemple, citer l’analyse chimique des pigments, la réflectographie infrarouge, la radiographie pour voir à travers les couches de peinture et mettre en évidence les tracés au crayon. La méthode dite du radiocarbone permet aussi de déterminer si le papier utilisé pour une toile a été fabriqué avec des arbres coupés, avant ou après les essais nucléaires des années 50 !  

Bientôt, ce sera au tour de l’intelligence artificielle de venir révolutionner le monde de l’art. L’analyse par algorithmes pourra être rendue possible en constituant des bases de données avec l’ensemble des œuvres déjà attribuées. En les comparant à l'œuvre analysée, les ordinateurs pourront plus efficacement distinguer les vrais des faux.  

Bien que le sujet soit passionnant et que le talent des faussaires soit incontestable, il ne faudrait pas oublier qu’il s’agit d’escroquerie. Une escroquerie qui a forcé Guy Ribes à payer sa dette en passant par la case prison, mais qui ne l’empêche pas de fréquenter les plus grandes galeries pour y admirer ses œuvres cachées.    

Une épopée fantastique que raconte le faussaire : "Tous les peintres que j’ai pratiqués, un peu plus de 200, lorsque le tableau était vendu avec certificat, ça devenait un Picasso. L’émotion était totale. Par exemple une aquarelle de Chagall, je la vendais 15 000 euros et elle était revendue 200 000 euros. J'étais une tirelire pour les revendeurs !"   

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