On a retrouvé de l’ARN du tigre de Tasmanie

C’est la première fois que l’on reconstruit les séquences génétiques d’une espèce disparue. Les scientifiques l’ont fait à partir d’échantillons de muscles et de peau provenant d’un spécimen de musée, vieux de 132 ans.
Article rédigé par franceinfo - Mathilde Fontez
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le tigre de Tasmanie, le loup de Tasmanie, a disparu en 1936. Le Thylacinus cynocephalus est désormais étudié par des biologistes et chercheurs qui étudient son ARN, grâce à un spécimen conservé dans un musée en Suède. (MIKROMAN6 / MOMENT RF / TOMASZ SKOCZEN / GETTY IMAGES)

On reconstitue une espèce disparue, le tigre de Tasmanie, à partir de son ARN. C'est ce que Mathilde Fontez, rédactrice en chef au magazine scientifique Epsiloon nous annonce aujourd'hui dans Le billet sciences du week-end. Il s'agit d'une première scientifique. 

franceinfo : Des chercheurs ont réussi à reconstituer la séquence d’ARN d’une espèce disparue, le tigre de Tasmanie. Une séquence d’ARN, pas d’ADN ? 

Oui, de l’ADN d’espèce disparue, on en avait déjà récupéré : celui du mammouth par exemple, a été séquencé. Et aussi celui du tigre de Tasmanie, en 2017. On rappelle que le tigre de Tasmanie, c’est un animal de la taille d’un loup, qui a disparu en 1936, à cause de la pression de l’homme qui l’avait chassé massivement.

C’est donc un animal assez emblématique, dont il nous reste des photos, et des spécimens conservés dans les musées. Et c’est justement en collectant des échantillons de peau et de muscle d’un tigre de Tasmanie, conservé au musée de Stockholm, qu’une équipe de biologistes suédoise a réussi à trouver de l’ARN.

L’ARN nous dit autre chose que l’ADN ?

L’ARN, c’est ce qui régule l’expression des gènes. Il intervient pour exprimer le code génétique, à l’échelle de chaque cellule dans tout le corps. C’est une sorte de traducteur du code. Et comme toute traduction, il apporte des nuances, une dynamique. Bref, il joue un rôle très important dans l’organisme final.

Sauf que jusque-là, les biologistes n’imaginaient pas pouvoir retrouver chez une espèce disparue des échantillons exploitables. Cette molécule est beaucoup plus instable que l’ADN, elle se fragmente en petits morceaux très rapidement. Ils ont dû adapter les protocoles d’analyse. Et finalement, ils ont pu extraire 1,5 million de séquences, provenant des muscles du tigre de Tasmanie, et 2,8 millions de séquences, provenant de la peau.

Et cela leur a permis de découvrir de nouveaux détails sur l'animal ?

Ça commence : les chercheurs ont vu des variations de l’expression des gènes, dans différents tissus de la peau. Ils ont trouvé des séquences codant pour des protéines qui permettent aux muscles de s’étirer ou de se contracter. Ils ont même isolé de l’ARN qui n’appartient pas au tigre de Tasmanie, mais à des virus qui l’infectaient. Et surtout, avec cette première, c’est tout un nouveau champ qui s’ouvre : tous les spécimens d’animaux disparus, tous les échantillons conservés dans les musées pourraient être candidats à ce type d’étude. 

Ça ouvre la porte aussi à l’étude des virus anciens. Sans parler du fantasme, un peu survendu, mais qui fait tout de même l’objet de gros investissements en recherche : celui de faire revivre les espèces disparues, "la désextinction". Un laboratoire a été monté en 2022, à l’université de Melbourne en Australie, spécialement pour le tigre de Tasmanie. Et ce code ARN pourrait aider, disent les chercheurs. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.