On connaît enfin le rayon du proton
Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon nous explique aujourd'hui que les physiciens ont enfin réussi à mesurer la taille du proton. Et qu’ils sont à la fois "très satisfaits, et très déçus".
franceinfo : Que s'est-il passé concernant la mesure de la taille du proton ?
Hervé Poirier : Ça y est, maintenant, c’est sûr : le rayon du proton vaut 0,84 millionième de milliardième de mètre. Attention, le proton, ce n’est pas n’importe quelle particule : cette petite boule de matière dotée d’une charge positive structure les atomes. L’hydrogène en a 1, l’hélium 2, le carbone 6 et l’uranium 92.
Longtemps, pour mesurer sa taille, les physiciens ont bombardé de lumière des nuages d’atomes d’hydrogène : le mouvement des électrons leur donnait une mesure indirecte : 0,88 millionième de milliardième de mètre.
Sauf qu’en 2010, une autre méthode expérimentale, censée être plus précise (l’électron de l’hydrogène est remplacé par un cousin, plus lourd) a donné un autre nombre : 0,84. Et c’est cette dernière valeur que viennent de confirmer, par le calcul, une équipe de théoriciens de l’université de Mayence, en Allemagne.
Parce que l’on n’avait pas réussi, jusqu’ici à calculer ce rayon ?
Très difficile. En fait, le proton n’est pas une particule élémentaire : il est constitué de trois quarks, attachés ensemble par une force appelée interaction forte, laquelle est portée par des gluons, le tout baignant dans une mer de particules, qui se forment et s’annihilent en permanence.
Les physiciens connaissent bien les caractéristiques individuelles de ces particules élémentaires. Et il existe depuis les années 70 une magnifique théorie pour décrire leurs interactions : la "chromodynamique quantique". Mais les calculs sont très difficiles à effectuer. Grâce à de nouvelles méthodes et à un superordinateur, les théoriciens de Mayence ont réussi à s’en sortir. Et la valeur théorique du rayon du proton correspond, finalement, à celle mesurée en 2010 : 0,84.
Et pourquoi les physiciens sont déçus ?
Car tous le savent : le modèle standard de la physique des particules, développée pendant la deuxième moitié du XXe siècle, est incomplet, ou défaillant. Et ils espéraient que l’énigme du proton, l’écart entre les deux mesures, les guide vers une nouvelle physique.
Par exemple, vers l'existence d'une interaction, jusqu'ici inconnue, qui fausserait les expériences. Mais non, il n’y a plus d’énigme. C’est un vrai progrès : la masse du proton est un étalon, pour sonder le cosmos ou interpréter les expériences faites dans les accélérateurs. Mais oui, c’est aussi une vraie déception.
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