"Parler bébé", ça sert à quelque chose
Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsiloon évoque aujourd'hui dans Le billet sciences du weekend, cette manière de nous adresser aux nourrissons, quand nous leur parlons, le "parler bébé", où l'on change notre intonation et notre voix.
franceinfo : Des chercheurs ont étudié cette façon de parler spécifique, qu’on adopte avec les nourrissons, et ils ont découvert qu’elle est universelle ?
Oui, c’est une sorte d’instinct. Tout le monde l’a déjà fait, ou au moins observé : quand on s’adresse à un bébé, on a tendance à changer de voix, d’intonation. De nombreuses études avaient montré que cette adaptation de notre ton était largement répandue. Mais là, une équipe internationale menée par l’institut de linguistique et de sciences cognitives du Danemark a cumulé près de 90 études sur le sujet. Ils ont rassemblé 30 ans de recherches pour voir si ça se produit vraiment dans
toutes les langues.
Et c’est le cas, les Japonais, les Anglais, les Chinois, les Italiens, tout le monde
parle bébé ?
Tout le monde. Les chercheurs ont étudié 33 langues. Et les principales caractéristiques du "parlé bébé" sont les mêmes : On accentue les aigus. On exagère les différences entre graves et aigus.
On fait durer les voyelles. Le phénomène est bel et bien universel. Même si bien sûr, les chercheurs pointent des différences entre les langues.
En français ou en américain, on accentue particulièrement les aigus ; en italien, on ne retrouve pas l’exagération des graves et des aigus sans doute parce que la langue est déjà très accentuée au départ. En mandarin, les voyelles sont particulièrement forcées. Et dans toutes les langues, le rythme de parole est ralenti et l’articulation est exagérée.
Ça veut dire que ce "parler bébé" a une utilité ?
Oui, les chercheurs concluent que cette façon de parler est sans doute essentielle au développement de l’enfant, en particulier, avant que les mots aient trouvé leur rôle dans la communication. Ça s’atténue au fur et à mesure que le bébé grandit.
Accentuer les aigus, par exemple, permettrait d’exprimer de l’affection, des intentions, des encouragements. En exagérant les différences entre graves et aigus, on rendrait nos intentions plus faciles à comprendre. Et en renforçant les voyelles, on préparerait le terrain à la prise de parole et à la compréhension du langage : les voyelles structurent la plupart des langues.
Ça aiderait l’enfant à entendre les dialogues, et à reconnaître les mots. Sans doute que c’est une boucle qui s’est mise en place, entre le bébé et l’adulte : le bébé semble mieux réagir quand on lui parle comme ça, alors ça incite l’adulte à poursuivre, à accentuer le phénomène. Bref, il vaut mieux ne pas avoir honte d’adopter ce ton ridicule. Il est utile, voire même nécessaire !
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