"La situation budgétaire que je découvre est très grave" : la phrase de Michel Barnier qui irrite les macronistes

Sur fond de composition laborieuse du gouvernement, le sujet fiscal met le feu aux poudres entre l’ex-majorité présidentielle et le Premier ministre, qui remet publiquement en cause le bilan de la politique économique passée.
Article rédigé par Aurélie Herbemont
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'ancien Premier ministre Gabriel Attal avec le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire lors d'une conférence de presse à Paris, en février 2024. Illustration. (TERESA SUAREZ / POOL)

"La situation budgétaire que je découvre est très grave", la phrase Michel Barnier prononcée mercredi 18 septembre a de quoi tendre encore un peu plus les relations entre les macronistes et le nouveau Premier ministre. L’opinion est prise ainsi à témoin sur la gravité de la situation des finances publiques, de quoi braquer encore un peu plus l'ex-majorité qui ne veut pas qu’on remette en cause son bilan, ni être maltraitée dans le futur gouvernement.

Une déclaration jugée "inacceptable" 

Une véritable guerre des nerfs a lieu entre les deux camps. La phrase de Michel Barnier qui "découvre" une "situation budgétaire très grave" et demande "tous les éléments pour en apprécier l'exacte réalité" est mal vécue par les macronistes. Bercy se défend d’avoir passé des éléments sous silence. Le jour de la nomination de Michel Barnier, Bruno Le Maire et son ministre du Budget Thomas Cazenave lui font parvenir, par motard, une lettre sur la situation financière. Le mardi suivant, Michel Barnier, et les locataires de Bercy déjeunent ensemble à Matignon pour en discuter de vive voix. Bruno Le Maire lui-même martèle depuis trois ans que la "situation est grave", qu'on a atteint la "cote d'alerte" et a dit la semaine dernière que "le réveil sera douloureux".

"Il n'y a aucun cadavre nulle part", se défend Thomas Cazenave sur BFM. Des macronistes trouvent la sortie de Michel Barnier "impardonnable", que "ça ne le grandit pas de faire ça". Un conseiller de Bercy lâche : "Barnier n'avait qu'à ouvrir la porte du bureau d'en face". En face du bureau du Premier ministre, il y a celui de son directeur de cabinet, Jérôme Fournel, qui était auparavant celui de Bruno Le Maire.

Alors si Michel Barnier fait mine de découvrir la gravité de la situation financière, c'est pour dramatiser l’enjeu. Il a promis de dire la vérité, et la vérité est que les finances sont dans le rouge, que la France est sous surveillance de Bruxelles pour déficit excessif.

La même rhétorique que François Fillon en 2007

Ce n'est pas la première fois qu'un chef du gouvernement tire la sonnette d'alarme de cette manière. En 2007, François Fillon dit : "Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite". Michel Barnier, comme François Fillon à l'époque, signale aux Français qu'il hérite d'une situation difficile dont il n'est pas responsable. Tout juste arrivé à Matignon, le nouveau Premier ministre n'est pas comptable des dérapages budgétaires. "Dire que c'est grave quand ce n'est pas de sa faute, ça le place en sauveur, alors que quand Le Maire le dit on l'accuse d'être le responsable", juge un conseiller de l’exécutif.

"Barnier a totalement raison de faire ça, vante un député LR, tout ce qui marque une rupture est une bonne chose", car la droite ne veut pas être dans la continuité du macronisme. Dire que c'est très grave permet surtout de préparer les esprits à des décisions difficiles : baisse drastique des dépenses ou hausses des impôts. C'est aussi un moyen de dire à Gabriel Attal, ou Gérald Darmanin, que ce n'est pas très "responsable" de lui mettre des bâtons dans les roues dans ce contexte budgétaire explosif.

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