Prix du gaz : pourquoi la solidarité européenne donne des sueurs froides à l'Elysée
Avec les menaces autour du gaz russe cet hiver, l'Europe s'est organisée pour éviter les pénuries. Sauf que cela pourrait être plus contraignant que prévu. Le brief politique de Jean-Rémi Baudot.
Vendredi dernier, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a rappelé l’importance de la solidarité européenne pour passer l’hiver. Sauf que cette solidarité crée des sueurs froides au sommet de l’Etat, où l’on craint une bombe à retardement politique.
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C’est un communiqué, au cœur de l’été, qui est un peu passé inaperçu. À l’issue du conseil du 26 juillet, les chefs d’État européens, dont Emmanuel Macron, ont signé un texte rappelant le principe de "solidarité indispensable entre les États membres" sur le gaz.
Jusque-là, rien de surprenant. C'est une philosophie que l'on retrouve déjà dans le traité de Lisbonne en 2007. Sauf qu’aujourd’hui, toute l’Europe connait la même crise énergétique. Il n'est donc plus question d'aider un pays voisin qui aurait besoin de Canadair. Concrètement, cet accord fait que la France pourrait être tenus d’approvisionner en gaz certains de ses voisins en difficulté, au détriment de ses propres ressortissants. En théorie, cela veut dire que l'Hexagone pourrait réduire sa consommation de gaz pour pouvoir fournir, par exemple, du gaz aux hôpitaux allemands.
"Les populistes ne vont pas nous louper"
Une posture politiquement explosive, d’autant que la France fait partie des pays dont les habitants sont les moins favorables à l’UE. Ainsi, au moment où on a des stocks limités, où on manque nous-mêmes de gaz et où le gouvernement demande des efforts, comment expliquer aux Français qu’on va éventuellement leur couper le gaz pour aller le vendre à nos voisins ?
"C’est un sujet hyper sensible", reconnaît un poids-lourd macroniste qui parle d’un irritant absolu". Au ministère de la Transition énergétique, on se veut toutefois rassurant et on rappelle qu’il est techniquement impossible de couper le gaz aux particuliers. Mais, en coulisses, l’exécutif se prépare à une salve de critiques : "Les populistes ne vont pas nous louper", s’inquiète ainsi un membre du gouvernement. Et les oppositions sont en déjà embuscade : le Rassemblement national avait déjà attaqué sur le sujet cet été, chez Zemmour, on dénonce depuis des mois le marché européen de l’énergie.
Mais, pour l’heure, cela reste une polémique hypothétique. Car, pour l’instant, les indicateurs sont au vert : la France et l’Allemagne ont réussi à remplir leur stock de gaz. La réalité est que c’est du "donnant-donnant" : on sait que la France aura elle-même besoin d’électricité. Et la solidarité européenne est un "pari gagnant", martèle le gouvernement.
Mais le fait que ce sujet soit abordé dans les discussions dans les ministères montre bien une forme de fébrilité sur la crise du gaz, avec en toile de fond, la question de l’inflation et des conséquences de la guerre en Ukraine. Une source à Bruxelles confiait ainsi récemment : "Il y a un risque que les Européens se lassent, qu’ils refusent les conséquences des sanctions sur la Russie..." L'hiver sera donc un test pour la solidarité européenne et pour le gouvernement français.
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