Agriculture : vers une France sans vaches ?
La France compte aujourd'hui 400 000 exploitations agricoles, 100 000 de moins en dix ans et seulement 80 000 élevages de bovins, soit 30 000 de moins sur dix ans. Cette désaffection s'explique par les départs à la retraite, mais pas seulement.
Pour mieux comprendre, nous avons pris la direction de Domloup, aux portes de Rennes, en Bretagne, la première région d'élevage. Mickaël Heurtin, 50 ans, est éleveur et fils et petit-fils d'éleveur. Il y a trois ans, il a dû se séparer de ses vaches à viande, des blondes d'Aquitaine, pour ne plus se consacrer qu'aux vaches laitières. "On avait un débouché avec un boucher du coin qui nous prenait tous nos animaux avec une petite revalorisation supplémentaire par rapport à ce qui se fait en direct abattoir. Mais malgré cela, on a préféré arrêter parce que c’était du travail et qu’on ne gagnait pas d’argent avec", explique-t-il.
"Pourtant, j’adorais ça. C’était plus qu’une production supplémentaire, une diversification. C’était une passion et ça m’a crevé le cœur d’arrêter."
Mickaël Heurtin, éleveur bretonà franceinfo
Aujourd'hui, Mickaël Heurtin s'en sort mieux financièrement parce que les cours du lait sont bien remontés. Mais, selon lui, le monde de l'élevage semble bien être dans l'impasse. "Dans les écoles d’agriculture, il y a 15 ans, il y avait deux classes en Bac pro élevage. Aujourd’hui, il n’y en a plus qu’une. Comment ça va être dans 20 ans ?, s’interroge-t-il. Le métier n’attire pas, le nombre de bovins diminue. Il y a la lassitude peut-être de certains éleveurs. Comme parfois les cours des céréales sont assez élevés et qu’ils voient leurs voisins arrêter la production laitière pour celle de céréales et arriver à en vivre, certains se disent : pourquoi pas moi ?" Dans la famille Heurtin, la relève est a priori assurée. Maxime, le fils, finit des études d'élevage.
Des problématiques environnementales et sociétales
La consommation de viande bovine a beaucoup diminué : 33 kilos par habitant en 1980, 22 kilos en 2021, mais connaît un sursaut depuis deux ans. Et il y a effectivement moins d'animaux. La France compte 17 millions de bovins. Même si elle reste le premier cheptel de l'Union européenne, ce chiffre décroît depuis cinq ans, moins 2 à 3% chaque année.
Plusieurs raisons expliquent cette diminution, souligne Thierry Pouch, le chef économiste des chambres d'agriculture : "Cette baisse des effectifs peut s’expliquer par le fait qu’à l’époque, les revenus n’étaient pas suffisants. Ca permettait tout juste, voire pas du tout, de couvrir les coûts de production. Aujourd’hui, il y a des éléments qui se juxtaposent à ce calcul économique. D’abord, la problématique environnementale. Il y a tout un débat autour des émissions de gaz à effet de serre par les bovins. Et ensuite, il y a eu tout un débat autour du lien entre consommation de viande rouge et santé publique. Il ne faut pas oublier non plus que pour un certain nombre de représentants de la société, il y a toute la question du bien-être animal aussi."
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Évidemment, quand on est éleveur, on n'est pas insensible à ces questions sociétales. Mais Mickaël Heurtin s’inquiète des conséquences. "Le souci c’est qu’on va importer de la viande. Si on ne la produit pas, d’autres le feront pour nous donc d’un point de vue climatique, j’ai du mal à croire que ça change grand-chose. On peut donner l’exemple en diminuant nos troupeaux si les autres font pareil. Mais que la consommation de viande s’arrête, je n’y crois pas."
Moins d'élevages, plus d'importations
Et effectivement, les importations sont en hausse. "On importe plus de pays voisins comme l’Allemagne, l’Irlande, observe Emmanuel Bernard, le président de la section bovine d'Interbev, l'interprofession de la viande, mais ça a une limite quand même. On ne peut pas continuer à importer toujours plus de ces pays-là parce que, de toute façon, ils n’en auront pas à nous vendre. On veut surtout fournir aux consommateurs français une viande française, et pas que par esprit patriotique. "
"Il faut qu’on assure la souveraineté alimentaire nécessaire à éviter des importation à tout-va et qui ne respectent pas les mêmes standards que nous."
Emmanuel Bernard, président de la section bovine d'Interbevà franceinfo
La loi impose, par exemple, qu'une cantine s'approvisionne pour moitié en viandes produites localement. Le problème, c'est qu'il n'y a personne pour vérifier qu'elle est bien appliquée.
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