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Attentats du 13-Novembre : Salah Abdeslam, des questions sans réponses au cœur du procès

Salah Abdeslam sera le seul des terroristes dans le box des accusés au  procès des attentats du 13 novembre 2015, mercredi. Depuis son interpellation, ses rares explications n'ont pas permis de faire la lumière sur son rôle le soir de la tuerie.

Article rédigé par Delphine Gotchaux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Photographie de Salah Abdeslam diffusée lors de l'appel à témoins lancé par la police deux jours après les attentats du 13 novembre. (DSK / POLICE NATIONALE / AFP)

Il est l'unique terroriste des commandos du Stade de France, des terrasses et du Bataclan encore en vie, le 13 novembre 2015. Salah Abdeslam sera mercredi 8 septembre dans le box des accusés de la cour d'Assises spécialement composée pour le procès des attentats du 13-Novembre et il sera en face de centaines de familles de victimes et de rescapés. 

Difficile de dire si l'on doit attendre quelque chose de lui, tant cet homme de 31 ans s'est muré dans le silence pendant presque toute l'enquête sur les attentats du 13 novembre. Au lendemain de son interpellation le 18 mars 2016 à Bruxelles, le Franco-Marocain livre quelques bribes d'explications aux policiers et à la juge belge. "J'ai loué des voitures et des hôtels en préparation des attentats de Paris, j'ai fait ça à la demande de mon frère Brahim", explique-t-il, en minimisant son rôle, avant d'ajouter : "J'avais une ceinture explosive, mais je n'ai pas voulu la faire exploser, j'ai renoncé".

Il ne prendra quasiment plus la parole. Devant les magistrats antiterroristes français, il fait valoir son droit au silence, sauf à deux reprises, mais sans jamais revenir sur son rôle.

Bravades et mutisme

Les 1 800 parties civiles vont donc le voir pour la première fois mercredi, à l'exception de Philippe Dupeyron, le président de 13onze15 Fraternité et vérité, qui a perdu son fils Thomas au Bataclan. Il a assisté au procès de Salah Abdeslam à Bruxelles, en février 2018, pour la fusillade avec des policiers belges lors de sa cavale. Pour lui,"c'est un moment difficilement descriptible parce qu'on ressent une une forme d'intensité". 

On se dit : 'il se passe quelque chose', le fait d'être dans la même pièce, la même salle d'audience que Salah Abdeslam, de respirer le même air, il se passe quelque chose, c'est clair.

Philippe Dupeyron, président de 13onze15 Fraternité et vérité

à franceinfo

En 2018, l'apparition de Salah Abdeslam avait figé la salle d'audience, comme saisie d'effroi. Il a d'abord refusé de se lever, de répondre à la présidente, avant de se lancer dans une brève diatribe jihadiste. "Mon silence ne fait pas de moi un criminel. Les musulmans sont jugés de la pire des manières, il n'y a pas de présomption d'innocence. Je témoigne qu'il n'y a pas de divinité à part Allah. Jugez-moi, je n'ai peur ni de vous ni de vos alliés !"

Toujours muet, même avec ses avocats

Depuis trois ans et demi, Salah Abdeslam reste mutique, même avec ses avocats. Son conseil historique, le Belge Sven Mary et le ténor français Franck Berton ont renoncé à le défendre en octobre 2016, avant d'assurer de nouveau sa défense puis d'être congédiés il y a quelques mois. Depuis novembre dernier, c'est Olivia Ronen, 31 ans, qui le représente. "On a un bon contact, un lien de confiance" confie la jeune pénaliste.

"Ça ne peut être qu'un plus s'il parle", confie une source judiciaire. Philippe Dupeyron, lui, n'attend pourtant pas grand-chose de sa part lors du procès : "Je pense qu'il faut absolument se préparer à ce type de réactions, de bravades, de déclarations provocatrices et tonitruantes, estime le président de 13onze15 Fraternité et vérité, parce que c'est tout à fait dans la logique du positionnement d'Abdeslam."

Je pense qu'il y a une violence voulue. Il y a non seulement le déni de la qualité de victime mais aussi cette forme de violence qui se perpétue en faisant ces déclarations qui se réfèrent à son dieu et à sa justice.

Philippe Dupeyron, président de 13onze15 Fraternité et vérité

à franceinfo

Ce procès sera également l'occasion de revenir sur le parcours de jeunes Européens, déterminés à vouloir devenir des martyrs de Daech. Comme d'autres avant lui, le parcours de Salah Abdeslam raconte cette bascule dans une dérive mortifère, sans véritable phénomène annonciateur. Celle d'un jeune du quartier bruxellois de Molenbeek, quatrième d'une fratrie de cinq enfants, qui a reçu une "éducation européenne" comme le dit son petit frère Mohammed. "Un grand fêtard", selon Yasmina, sa petite amie depuis l'âge de 17 ans, amateur de boîtes de nuit, de casinos, consommateur de cannabis. Mais en décembre 2014, Salah Abdeslam lui propose d'aller en Syrie, pour dit-il "aider les femmes et les enfants". Une demande que refuse catégoriquement Yasmina, expliquant ne pas s'être particulièrement inquiétée car pour elle, il n'avait "pas le profil du jihadiste".

C'est aussi ce qui a marqué Guillaume Lys, avocat belge d'une association de victimes des attentats de Bruxelles. Il a, lui aussi, vu Salah Abdeslam en février 2018. "Ce qui était le plus difficile, c'était d'être confronté à un autre jeune Bruxellois, qui vient plus ou moins du même quartier que moi, du même milieu social, qui a mon âge et de me rendre compte que dans le discours qui était tenu, il y a avait quelque chose qui était totalement brisé par rapport à la société belge que je connais, relate l'avocat. C'est vraiment ça qui est choquant : c'est de se dire que l'on a une personne qui a pris une trajectoire totalement différente, qui a décidé de vivre en dehors de cette société-là, qui a décidé de lui porter atteinte de la manière la plus cruelle qui soit et qu'on ne puisse pas en comprendre les raisons. Et qu'on ne comprendra sûrement jamais."

Beaucoup de questions vont être posées, à partir de mercredi. mais peut-être sans beaucoup de réponses de la part de Salah Abdeslam.

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