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Baisse des ventes, consommateurs méfiants, producteurs fragilisés... Le marché du bio est-il en train de s'essouffler ?

Si le marché du bio connaissait une croissance à deux chiffres ces dernières années, il a fortement ralenti depuis 18 mois. La faute en partie à la baisse du pouvoir d’achat mais pas seulement : les consommateurs ont visiblement perdu confiance dans ce label.

Article rédigé par Agathe Mahuet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des légumes bio sur un étal. (THOMAS SCHONHEERE / RADIO FRANCE)

Le bio est-il en train de s’essouffler ? Le marché du bio connaît depuis l’an dernier un ralentissement inédit, après avoir connu une croissance à deux chiffres ces dernières années. Et cela se vérifie dans le panier du consommateur. Au marché, franceinfo rencontre Grazziella, en train de faire ses calculs : "J’ai hésité pour les haricots verts, mais vu les prix très élevés, j’ai pris du bio pour la petite et pour nous on prendra autre chose !" Le bio, donc, que l’on met de côté quand le budget devient un peu serré.

Cette baisse est une première

La baisse ne semble pas impressionnante : moins 1%, en 2021, par rapport à 2020. Mais c’est une première. Et les premiers à s’en rendre compte sont les producteurs : dans sa ferme de la Sarthe, à Chantenay-Villedieu, Florent Rouillard, maraîcher bio, ne reconnaît plus ses clients sur le marché. "J’ai vu le panier moyen diminuer, constate-t-il. Les gens sont venus m’acheter trois carottes et deux patates. On se demande ce qu’ils vont faire avec ça : ça ne va pas aller loin… En fait, les gens mangent des pâtes et ils ont arrêté de manger des légumes !"

Florent Rouillard dans sa ferme de Chantenay-Villedieu (Sarthe). (AGATHE MAHUET / RADIO FRANCE)

Les petits paniers sont certes une chose, mais ce qui affecte surtout les finances de Florent, c’est qu’il réalisait jusque-là 60% de son chiffre d’affaires avec les enseignes spécialisées comme Biocoop, Naturalia, etc., qui ont fortement réduit leurs commandes, face à la demande en berne. Le maraîcher sarthois a dû s’adapter.

"Je suis obligé de faire trois marchés par semaine au lieu d’un, de faire des promos et de vendre une partie de ma production en prix conventionnels. Brader la production, ce n’est pas le but, mais je n’ai pas le choix sinon je jette !"

Florent, maraîcher bio

à franceinfo

La période est rude et Florent s’accroche : cela fait huit ans qu’il a lancé sa ferme bio, mais il a déjà envisagé de tout arrêter. "J’ai déjà fait l’annonce pour vendre ma ferme, confie-t-il. Ce qui est sûr, c’est que je ne vais pas attendre d’être sur la paille pour tout arrêter…" Aussi, pour des producteurs bio comme Florent, le moment est décisif.

Le ralentissement n’est pas lié à l’inflation

Comment expliquer ce ralentissement de la consommation ? Il n’est pas lié à l’inflation : les Français ont commencé à acheter moins de bio avant la hausse des prix généralisée que l’on connaît maintenant. D’ailleurs le bio est plutôt moins touché par l’inflation, car on y utilise moins d’engrais, et moins de ce qu’on appelle les "intrants", importés et coûteux en énergie. En réalité, on consomme aussi moins de bio, parce qu’on consomme moins de tout : les Français ont réduit le budget alimentaire global. Et le label bio, matérialisé par un petit logo vert AB, a perdu un peu de la confiance des consommateurs.

"Je suis convaincu que l’agro-industrie et la grande distribution ont eu leur rôle là-dedans, indique Pierrick de Ronne, le président de Biocoop. C’est-à-dire qu’ils ont pris le cahier des charges sans les valeurs et ont surfé sur la confiance qu’il y avait dans le label et aujourd’hui, les consommateurs constatent qu’il y a du bio qui vient de l’autre bout du monde ou qui est nutri-score E ou F [c’est-à-dire les produits qui ont une moins bonne qualité nutritionnelle car ils contiennent des nutriments à limiter], et cela prête à confusion !"

Tout n’est pas noir : les circuits courts, eux, se portent bien

Les supermarchés et les enseignes spécialisées sont les lieux où les ventes de bio baissent le plus. Le groupe Biocoop, le leader du secteur, a ainsi ouvert en 2022 moins de magasins que les années passées. Et en a fermé quinze dans le même temps. A l’inverse, les circuits courts, eux se portent bien, et la vente directe, chez le producteur ou chez les artisans, progresse même de 8%. La filière bio a donc quelques raisons de tout de même espérer si les consommateurs continuent d’acheter bio localement.

Et puis, il existe d’autres débouchés : les cantines scolaires, par exemple. Florent, notre maraîcher sarthois, vient ainsi de contacter celles qui se trouvent près de chez lui. La loi Egalim est à cet égard incitative : elle prévoit 20% de bio dans les cantines scolaires. Or, aujourd'hui, on est en qu'à 6,5%. Les restaurants peuvent aussi être un autre débouché, avec un paradoxe, pointé par la directrice de l’Agence Bio, la structure nationale chargée de promouvoir l’agriculture bio, Laure Verdeau : "Il y a 176 000 restos en France et seulement 2% font du bio !" Il faut donc que les restaurants jouent le jeu.

Dix pour cent des surfaces agricoles françaises sont consacrées au bio : c’est bien, mais c’est encore très loin de l’objectif national fixé à 18% d’ici cinq ans. Pour l’atteindre, il faudrait déjà que le marché redémarre.

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