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"C'est toujours un petit miracle de se dire que l'inspiration est là" : dans les coulisses du 13e album d'Etienne Daho

Etienne Daho signe "Tirer la nuit sur les étoiles", un album qui sort vendredi. franceinfo a assisté aux toutes dernières séances de l'enregistrement en studio.
Article rédigé par Thibault Maisonneuve
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Etienne Daho au studio Motorbass, à Paris, lors de l'enregistrement de son album "Tirer la nuit sur les étoiles". (COLLECTION PERSONNELLE)

Son treizième album, Tirer la nuit sur les étoiles, Etienne Daho l'a enregistré entre Paris, Saint-Malo et Londres, au mythique studio Abbey Road. Daho, c'est d'abord une voix qui accompagne plusieurs générations depuis quarante ans. Une voix à la fois grave et légère et reconnaissable, surtout, entre toutes. Une voix qu'il ne cesse jamais de travailler, d'entraîner, comme dans ce studio parisien, l'automne dernier. 

Sur Tirer la nuit sur les étoiles, ce sont des voix témoin, c'est-à-dire des voix enregistrées au moment de la préparation de l'album, qui ont été gardées bien avant les séances studio. Et pour une raison toute simple, explique Etienne Daho. "Les voix ont été vraiment la dernière roue du carrosse pour cet album, parce qu'en fait, ça a été la plupart du temps des voix témoin, enregistrées dans l'élan. Quand j'ai fini un texte, j'ai envie de le chanter avec l'idée que je referai mieux plus tard... Donc, sans la pression du définitif. Je fais toujours une maquette, avec le texte, qui peut d'ailleurs être modifié. Après avoir enregistré une maquette, on sent qu'il y a un mot ou une syllabe qui peut tomber mieux, ou ça peut être un autre mot, je peux ajuster un petit peu les choses. Et puis ensuite, les voix, je prends du temps pour les enregistrer tranquillement tout seul, une fois que tout le reste est enregistré, que j'ai uniquement du temps pour ça, tranquille, avec un ingénieur du son. Et là, je n'ai pas pu parce que j'ai chopé la grippe !"

"Au moment de faire les voix, je n'ai pas pu rechanter. Donc comme on était pressés par le temps pour terminer, et que tout le monde m'a dit que les voix étaient très bien comme ça, on les a gardées, telles quelles."

Etienne Daho

à franceinfo

Etienne Daho a par le passé essuyé des critiques sur sa voix. "Est-ce que j'en ai souffert ? non. Je me souviens de Charles Aznavour qui me disait : 'Tu sais, moi, on m'a emmerdé toute ma vie avec ma voix'. Tous les artistes ont des critiques multiples. L'essentiel est d'être bien dans ce qu'on est et d'être authentique par rapport à ce qu'on est. C'est un cheminement de la perfection, en fait. On a toujours envie de faire mieux. Mais elle est très bien, ma voix, qu'est-ce qu'elle a ? Je vais la faire en version Johnny ! (rires)"

Etienne Daho au studio Motorbass, à Paris. (MATTHIEU ZAZZO / COLLECTION PERSONNELLE)

Ce treizième album, le premier depuis Blitz en 2017, a été enregistré entre septembre et janvier dernier, entre Saint-Malo, Londres dans le mythique studio Abbey Road et Paris, dans le studio Motorbass, à deux pas du domicile du chanteur. Un album studio, ce sont des centaines d'heures de travail, évidemment. Avec pour Etienne Daho la sensation d'être "à la bonne place". "Ce qui est très agréable, quand on prend de la bouteille, c'est d'avoir une maturité dans la maîtrise de comment on obtient ce qu'on veut obtenir en studio. Et c'est très agréable de pouvoir sentir qu'il y a une fluidité et que c'est facile, que ça vient d'une manière aisée. Mais c'est toujours un petit miracle, surtout au bout de tant d'années, de se dire que l'inspiration est là. Toujours. Ce n'est pas abîmé. Ça, je le ressens comme quelque chose de très fort." Cette maturité est une force. "Je préfère infiniment la personne que je suis aujourd'hui. Le temps vous améliore."

"Les albums avec Etienne, c'est un an de boulot"

Au studio Motorbass, les séances s'enchaînent. Pour un seul morceau, plusieurs dizaines de pistes sont enregistrées. "120 pistes", précise Etienne Daho. Et dans un refrain, il y a parfois un mot, ou plutôt la fin d'un mot à retravailler. Et des prises, aussi, pour chaque instrument. De l'autre côté de la vitre, une section cuivres réunie par le saxophoniste Laurent Bardainne répond à des indications très précises d'Étienne Daho et du coproducteur de l'album, Jean-Louis Piérot. Pour donner une couleur, une tonalité particulière. "Il ne faut pas d'emphase, en fait", demande Etienne Daho. "Je trouve que le vibrato, ça donne un peu d'emphase", complète Jean-Louis Piérot. "Carrément militaire, en fait, complètement neutre, résume Laurent Bardainne. En fait, c'est ça qui crée l'émotion. Tu sais, les trucs de trompette des enterrements, c'est inexpressif."

Jean-Louis Piérot, coproducteur sur d'autres albums d'Étienne Daho, aux claviers sur les tournées, a travaillé avec les plus grands, Alain Bashung ou Brigitte Fontaine. "C'est un gros boulot. Tous les albums sur lesquels j'ai travaillé avec Etienne, c'était un an de travail. Un temps de maturation, de trouver les bonnes chansons, de travailler les chansons, de les mettre de côté, les ressortir..."

Et quand on tient un bon morceau, on le sent tout de suite. "Ça c'est immédiat !" confirme Jean-Louis Piérot. La musique avant le texte : toujours le même processus de création. "Quand je travaille avec un musicien, poursuit Etienne Daho, il me propose une suite d'accords sur laquelle je trouve une mélodie. Et ensuite, je trouverai le texte un peu plus tard. Ou alors j'ai des musiques que j'amène moi et qui, après, sont réarrangées avec les musiciens avec lesquels je travaille. Et, toujours, les textes après."

Le désir pour fil rouge

L'album célèbre la passion amoureuse sous toutes ses formes, dans un moment du monde bouleversé, chaotique. Avec un fil rouge. "Le désir, c'est le sel de la vie, en fait. Ce qui fait vous sentir très vivant. C'est la vie qui finalement contamine les chansons."

Etienne Daho et Vanessa Paradis lors de l'enregistrement de "Tirer la nuit sur les étoiles", la chanson qui donne son titre à l'album. (MATTHIEU ZAZZO / COLLECTION PERSONNELLE)

"Un album, c'est un condensé de deux ans de sa vie, ou trois ans de sa vie. L'album parle d'amour et de désir parce qu'il y a eu beaucoup ça dans ma vie."

Etienne Daho

à franceinfo

Les textes d'Etienne Daho se nourrissent aussi du monde tel qu'il est. "On a été assez brutalisés, quand même, depuis quelques années, entre le Covid, la guerre en Ukraine, la réforme des retraites... Tout ça, ce sont vraiment des changements de société. On change de monde. Bien sûr, je suis touché par tout ce qui se produit. Et la musique se nourrit de tout ça. Dans cet album, il y a des chansons qui sont vraiment inspirées par ça. Il y a cette chanson qui s'appelle Respire, qui parle justement de l'après, Muselière... Il y a aussi une chanson qui s'appelle Le Chant des idoles, qui est une chanson sur la guerre en Ukraine."

Daho, plus de quarante ans de carrière, mesure le chemin parcouru depuis Mythomane ou Week-end à Rome. "C'est difficile, quelle que soit l'époque, de faire son espace. Après, le système est très compliqué parce qu'il rétribue très, très mal les artistes. Côté diffusion, c'est parfait, en vinyle, en CD, en streaming. Après, le système qui s'est mis en place est très à la défaveur des artistes, ça, c'est clair, et il les rétribue très, très, très mal." Réussir à durer n'empêche pas de garder un œil sur la musique d'aujourd'hui. "Peut-être que je ne connais pas suffisamment le rap français, mais je préfère le rap américain. Je le trouve plus créatif, ils prennent plus de risques dans les productions en mélangeant des choses. Mais il y a plein d'autres choses que j'aime beaucoup en France. Je déplore juste qu'il n'y a pas beaucoup d'espace pour la pop et qu'il n'y a pas beaucoup de diversité."

Etienne Daho assume toutes ses chansons, même s'il estime que les dernières sont plus abouties. "J'assume tout. Après, c'est vrai qu'il y a certaines chansons du passé qui prennent un peu d'espace sur des choses plus récentes que je trouve bien meilleures. Dutronc, ce sera toujours Et moi, et moi, et moi, Françoise Hardy, ce sera toujours Des garçons et des filles. Et Dieu sait que ce sont des artistes qui ont fait bien mieux par la suite." Et à 67 ans, il s'amuse de son statut. "Comme moi, je me suis nourri de mes aînés, si d'autres aujourd'hui se nourrissent de moi, c'est une chaîne. C'est toujours tellement précieux de sentir qu'on a contribué à ce que les choses avancent."


"Tirer la Nuit sur les Etoiles", sortie vendredi 12 mai, avant une tournée Etienne Daho Show, en novembre et décembre dans des Zéniths puis le 22 décembre à l'Accor Arena de Paris.

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