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"Chasser, ce n'est pas comme si on jouait avec un pistolet à eau" : des stages pour se former à la sécurité avant l'examen du permis de chasse

Alors qu'un chasseur est jugé dans l'Oise jeudi pour avoir tué un ami lors d'une sortie en août 2020, franceinfo s'est rendu dans le centre de formation de la fédération des chasseurs de l'Oise, qui enseigne à ses apprentis les bases de la sécurité.

Article rédigé par franceinfo
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Un participant à un stage de formation pour obtenir le permis de chasse, dans l'Oise, en novembre 2021. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

Ce matin de novembre, dans le centre de formation de la fédération des chasseurs de l'Oise, à Breteuil, quatre formateurs accueillent trois jeunes futurs chasseurs. Leur objectif : décrocher le permis de chasse début décembre. Ce loisir est sujet à de nombreuses polémiques sur la sécurité, relancées récemment à cause de plusieurs accidents. Jeudi 18 novembre, un chasseur doit d'ailleurs être jugé dans l'Oise pour avoir tué un ami lors d'une chasse en août 2020. 

Pour comprendre si ces accidents sont dus aux comportements d'une minorité isolée qu'il faut mieux former ou s'il faut revoir le cadre législatif, franceinfo a assisté à cette formation, qui comporte un cours théorique et deux sessions de maniement des armes sur un parcours de chasse.

La possibilité d'un accident est dans tous les esprits

Il faut par exemple viser une cible mobile symbolisant un sanglier. "Que risque-t-il de se passer, là ?", demande Philippe Leconte, le formateur, à l'un des participants. Avant de lui expliquer : "Tu risques de tirer et de rentrer dans ton angle de 30 degrés, ce qui pourrait donc mettre directement en danger tes voisins de poste." Il résume l'enseignement, à destination de tous les participants : "Interdiction de tirer un animal qui arrive de l'extérieur pour rentrer dans la battue."

Selon ces apprentis, la probabilité d'être impliqué dans un accident est très faible mais ils y pensent. "On n'a pas envie que ça arrive, que ce soit de ma part ou venant des autres", témoigne un participant. Il compare la chasse à la voiture ou au vélo : "On nous apprend à être en sécurité sur la route avec les autres." Ce potentiel futur chasseur juge qu'il faut former "un minimum" les pratiquants. "Ce n'est pas comme si on jouait avec un pistolet à eau... Il y a des risques." 

Il défend une pratique sûre et maîtrisée. "Certains veulent gagner du temps mais il faut prendre son temps pour charger le fusil et bien suivre les étapes." Dans ces conditions, impossible pour lui qu'il puisse se produire un accident. "Si tout le monde respecte ces choses-là, il n'y a pas de problème."

Les chasseurs âgés, plus représentés parmi les auteurs d'accidents

De fait, sur la saison 2019-2020, 141 personnes ont été victimes d'accidents de chasse, dont onze ont été mortels. Dans 90% des cas, les victimes sont des chasseurs et les fautifs sont "malheureusement les plus anciens", "ceux qui sont peut-être les plus sûrs d'eux", déplore Marc Morgand, le président de la fédération des 13 000 chasseurs de l'Oise. "Ils ont trop l'habitude d'avoir un environnement identique depuis vingt ou trente ans."

"Avant on ne croisait pas autant de VTT que maintenant. Il y avait moins de randonneurs et l'espace rural était moins investi."

Marc Morgand, président de la fédération des chasseurs de l'Oise

à franceinfo

Il estime que ce public de chasseurs doit être accompagné pour modifier ses habitudes. "S'il n'y a pas de formation spécifique pour faire évoluer les pratiques, on se heurte à des accidents. Il faut absolument qu'on oeuvre pour tendre vers le risque zéro." Pour cela, une loi de 2019 oblige tous les chasseurs à se former spécifiquement à la sécurité tous les dix ans. 

Trois pétitions déposées sur le site du Sénat

Dix ans entre deux formations, voilà qui est déjà trop long pour les auteurs d'une pétition déposée sur le site du Sénat. Ils souhaitent une modification en profondeur des lois sur la pratique de la chasse. Lancée par les proches d'un jeune homme tué par la balle d'un chasseur en décembre 2020 dans le Lot, la pétition recueillait le 18 novembre près de 120 000 signatures. Parmi les mesures demandées : l'interdiction de la chasse le mercredi et le dimanche, un renouvellement du permis de chasser chaque année - certificat médical à l'appui - et le retrait de celui-ci à vie en cas d'homicide involontaire.

Deux autres pétitions sur le même thème viennent d'être déposées sur le site du Sénat, indique à franceinfo Sophie Primas. Cette sénatrice Les Républicains des Yvelines préside la commission des Affaires économiques, qui va mener une mission parlementaire avec la commission des Lois sur le sujet. "Il y a évidemment beaucoup d'émotions autour de la sécurité à la chasse, qui génèrent souvent des incompréhensions et un dialogue de sourds", reconnaît la parlementaire. 

Une formation pour le permis de chasse, dans l'Oise, en novembre 2021. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

Pour autant, elle tient à "déconnecter" le sujet de l'élection présidentielle. "Au Sénat, nous essayons de dépassionner les choses." Son objectif est donc "d'arriver à un rapport qui soit voté à l'unanimité des groupes politiques représentés, qui aille dans le sens d'une meilleure sécurité." Le principe est d'entendre tous les acteurs : chasseurs, collectivités, auteurs de pétitions... 

Certains maires prennent les devants

Avant même ce rapport, certains maires ont d'ores et déjà pris des mesures. À Laillé (Ille-et-Vilaine), par exemple, la maire a pris un arrêté jeudi 11 novembre pour interdire la chasse au fusil à moins de 150 mètres des maisons et la chasse à la carabine, jugée trop puissante et donc dangereuse, après la mort d'un automobiliste, tué par un chasseur fin octobre. "On veut faire évoluer les pratiques de sécurité", défend François Louapre, maire sans étiquette et agricultrice bio depuis une dizaine d'années. "Je ne suis ni anti-chasse ni pro-chasse", affirme celle qui est elle-même fille de chasseur.

"On veut juste que les citoyens fassent société ensemble : chasseurs, non chasseurs, randonneurs, cyclistes, agriculteurs... C'est le rôle du conseil municipal et du maire."

Françoise Louapre, maire de Laillé (Ille-et-Vilaine)

à franceinfo

Elle espère que sa décision fera bouger les choses au niveau national. Parallèlement, elle a envoyé avec quatre autres collègues une lettre ouverte à Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique.

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