Dans les aéroports européens, le manque de personnel fait craindre un été chaotique : "Ça peut dégénérer très rapidement"
Aprés deux ans de pandémie de Covid-19, la reprise du trafic est plus rapide que prévu alors que le secteur peine toujours à recruter, notamment pour les contrôles de sécurité. franceinfo s'est rendu dans le tumulte de l'aéroport d'Amsterdam.
À l'aéroport de Schiphol, à Amsterdam, mardi 27 juin, la situation n'est pas aussi chaotique qu'au mois d'avril avec des files d'attente de plusieurs kilomètres, des bagarres, des vols ratés, des bagages perdus. Mais la queue pour rejoindre les contrôles de sécurité s'étire quand même sur plusieurs centaines de mètres, sous un chapiteau blanc, à l'extérieur du bâtiment. Eric, qui doit prendre un vol pour Singapour a pris beaucoup, beaucoup d'avance : "On est arrivé six heures avant notre vol ! À cause de la file d'attente, il y a énormément de monde. On avait vu la situation aux infos et sur internet alors on s'est dit qu'il fallait venir plus tôt. C'est la première fois que je vois ça, c'est terrible."
Cette attente est due à un manque de personnel au sol : au niveau de la sécurité, des bagages, de la maintenance, du ménage... Après la pandémie, le trafic a repris mais beaucoup de salariés sont de l'aéroport ne sont pas revenus travailler. Certains ont trouvé des emplois moins précaires. D'autres ont été licenciés durant cette période car dans certains pays la législation du droit du travail est plus souple.
Ce chaos, Joost Van Doesburg, du syndicat FNV l'a vu venir. Et ce n'est pas faute, dit-il, d'avoir alerté la direction de l'aéroport : "La direction réduit les salaires des employés, de la sécurité, des agents d'entretien au maximum ce qui n'incite personne à venir travailler dans cet aéroport. Et ceux qui y travaillaient déjà sont partis ! Ils ont trouvé des jobs mieux payés, avec des contrats et des horaires fixes. Un salaire de 10,50 euros de l'heure ce n'est pas assez pour vivre, pas assez pour donner envie aux gens de travailler ici. On a réussi à obtenir 5,25 euros de plus par heure..."
"Il y a eu quelques embauches depuis et on a réussi a stopper l'hémorragie des départs mais le chaos n'a pas disparu pour autant et nous ne serons probablement pas prêts pour le pic de voyageurs cet été. Pour mes vacances d'été je ne prendrai pas l'avion. J'irai en France en voiture !"
Joost Van Doesburg, syndicat FNVà franceinfo
Conséquence : l'aéroport de Schiphol va limiter le nombre de voyageurs à 67 500 pour juillet et 72 500 en août. Idem à Gatwick en Angleterre. En Allemagne, Lufthansa supprime plus de 3 000 vols cet été. Le pays va aussi faire appel à des travailleurs étrangers pour éviter une désorganisation dans ses aéroports. Easyjet annonce également une réduction du nombre de ses vols.
Des aéroports français eux aussi en sous-effectif
En France, près de 10% des vols sont annulés vendredi 1er juillet au départ et à l'arrivée de l'aéroport Charles-de-Gaulle pour la deuxième journée consécutive en raison d'un mouvement social des pompiers lié aux salaires. Les syndicats appellent d'ailleurs à la grève multisectorielle ce vendredi dans le secteur aéroportuaires pour une augmentation des salaires là encore.
Cet été, Aéroports de Paris (ADP) s'attend a des files d'attentes rallongées car il manquera toujours des effectifs : 15% des agents de police aux frontières et 4 000 personnes dans les deux aéroports parisiens (ingénieurs, techniciens de maintenance et surtout agents de sûreté). Les causes sont les mêmes qu'à Amsterdam mais malgré ces effectifs réduits, ADP estime que la situation sera tenable cet été.
Rachid Eddaidj, secrétaire général CFE - CGC chez ADP, n'est pas aussi serein. Tout peut basculer rapidement s'inquiète le syndicaliste : "On a déjà des signaux d'alerte, pas seulement chez Aéroports de Paris, mais aussi au sein des compagnies et puis des sous-traitants. Les salariés sont déjà très fatigués du fait du sous-effectif, parce qu'on a quand même eu des plans sociaux et un plan qui a fortement impacté la rémunération des personnels. Tout ceci cumulé, ça a un impact sur la psychologie des troupes."
"Il suffit qu'il y ait un taux d'absentéisme important et il n'y a plus personne pour pallier ce manque d'effectifs. Et automatiquement, il n'y aura personne pour traiter une panne, pour enregistrer les bagages, ça peut dégénérer très rapidement."
Rachid Eddaidj, secrétaire général CFE-CGC ADPà franceinfo
Pour essayer de fluidifier les files d'attente durant les vacances estivales, ADP a créé une nouvelle fonction : les "agents booster". Positionnés en amont des contrôles de sûreté des bagages, ils rappelleront aux voyageurs les règles que beaucoup ont oublié pendant la pandémie de Covid-19 : pas de bouteilles d'eau ou sortir les ordinateurs des sacs par exemple.
L'été sera quand même "très, très bon" pour les compagnies
Malgré ces problèmes d'effectifs, le trafic aérien redécolle fortement. La reprise est bien supérieure à ce qu'espérait le secteur aérien. C'est d'ailleurs ce qui explique aussi l'engorgement dans les aéroports, analyse Xavier Tytelman, expert en aéronautique, qui prédit un été de fort trafic : "Au lieu d'être autour de 82%, 83% du trafic de 2019, on est déjà autour de 90% dans beaucoup de compagnies. Il y en a même qui sont au-delà de leur niveau d'avant crise, par exemple les compagnies low-cost comme Ryanair et Wizz Air. Il y a des vols annulés, mais sur les dizaines de milliers de vols qui vont être réalisés, finalement, c'est relativement faible. Globalement, on reste sur un été qui va être très très bon."
Xavier Tytelman prédit même des records de vente vers certaines destinations, "notamment vers l'Amérique du Nord, vers le Maghreb, surtout vers les zones dans lesquelles il n'était pas possible de voyager dans les deux dernières années". Un conseil aux passagers estivaux : mieux vaut arriver plus tôt à l'aéroport pour éviter de perdre des heures dans les files d'attentes et de rater ses vacances.
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