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Des salariés moins fatigués, pas d'arrêts maladie, des gains économiques et personnels... Cette entreprise a testé la semaine de quatre jours

Le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, se dit prêt à envisager le passage à la semaine de quatre jours de travail. Pour l’heure, en France, seule une poignée de PME ont sauté le pas.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Raymond
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des salariés de JC Logistique et leur dirigeante, Régine Crouet, dans les locaux de l'entreprise dans les Vosges, en février 2022.  (ISABELLE RAYMOND / RADIO FRANCE)

Bienvenue chez JC Logistique, une PME de 38 salariés installée dans un village des Vosges, à une trentaine de kilomètres de Remiremont. Ici, on loue du matériel et des engins de chantier, essentiellement pour le bâtiment. Et depuis un peu plus de trois ans, la patronne Régine Crouet a fait basculer une partie de son équipe sur un rythme de quatre jours de travail par semaine au lieu de cinq. 

Alors que le patron de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, s'est dit prêt à considérer la question, le 31 janvier dans un entretien au journal Les Échos, seule une poignée de PME ont sauté le pas pour l'heure en France, dont JC Logistique. Dans cette entreprise, c'est principalement la situation géographique qui a été décisive. 

"On est dans les Vosges, à une heure de route de Mulhouse et Épinal. On s'est demandé : comment faire venir les gens ici ?", se souvient Régine Crouet. Selon elle, "la semaine de quatre jours est une réponse. De plus, les salariés sont moins sur la route et donc moins fatigués", déclare cette femme pétillante au contact facile. La dirigeante estime aussi que les salariés sont plus productifs."Personne n'est en arrêt maladie, je pense que c'est un signe fort."

Ceux qui l'ont testée l'ont adoptée

Ce sont les magasiniers qui, les premiers, ont changé de rythme. Ils travaillent toujours 39 heures par semaine mais sur quatre jours seulement, moyennant une amplitude horaire plus longue et des pauses déjeuner plus courtes. "On a mis en place un planning sur six semaines", explique Valérie, qui réalise leurs plannings. "Chacun a une fois un vendredi et un lundi pour avoir un week-end de trois jours. Mais tout le monde est là le jeudi car c'est la journée la plus chargée de la semaine au magasin et ça leur permet de tous se voir. On effectue des roulements pour que le magasin soit toujours ouvert. Cela ne pénalise pas le travail, le client a toujours un magasin ouvert du lundi au vendredi."

Tous les salariés ne sont pas passés à quatre jours de travail par semaine car la patronne ne l'impose pas. Mais ceux qui ont sauté le pas ne reviendraient en arrière pour rien au monde. Franck, par exemple, est arrivé il y a trois mois. Le travail sur quatre jours a été l'argument qui a fait pencher la balance, dit-il. Ce magasinier insiste aussi sur le gain économique en gasoil. Son collègue, Jean-pierre, y voit un gain pour sa vie personnelle.

"J'ai tout de suite accepté de passer à quatre jours de travail par semaine. Ça nous donne du temps, c'est une autre vie."

Jean-Pierre, magasinier chez JC Logistique

franceinfo

Au-delà de cet exemple, peu d'entreprises ont sauté le pas. Le sujet fait débat au sein du patronat. Le Centre des jeunes dirigeants en sait quelque chose. L'organisme patronal a lancé une enquête auprès de ses adhérents. Un sur deux se dit prêt à expérimenter la semaine de quatre jours mais le sujet suscite beaucoup de débats et de crispations, alors que des réflexions sont en cours en Autriche, en Belgique ou en Espagne. "La situation française est bloquée du fait d'une certaine sclérose des débats nés lors des 35 heures", analyse l'économiste Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS. Il n'est pas surpris par les débats générés par ce type de proposition.

"Là, on change de paradigme en quelque sorte. On sort d'une réflexion sur le temps de travail pour une autre organisation du temps social qu'est le travail sur une semaine."

Philippe Askenazy, économiste

à franceinfo

Interrogée sur la question la semaine dernière, la ministre du Travail Élisabeth Borne a expliqué que ce n'était pas la priorité mais qu'il n'y avait pas de problème si les entreprises voulaient la tester. Au fond, il n'y a pas toujours besoin d'une impulsion politique ou syndicale pour constater une transformation au sein de l'entreprise : il suffit pour cela de regarder l'ampleur prise par le télétravail.

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