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Témoignage
"C'est un combat de tous les jours" : drag queen, un métier avec ses bonheurs et ses douleurs
Au cabaret le Bizz'art dans le 10e arrondissement à Paris, les drag queens de la troupe dirigée par Philippe Quintin-Stern, sont en pleine répétition. "Mon amour n'oublie pas d'aller de regarder ton public là-haut, là-haut, là-haut". Des soirées Kings Chefs and Drag Queens sont régulièrement organisées dans ce cabaret en bordure du Canal Saint-Martin.
La Grande Dame ou Yann, "fraîchement 24 ans", ne vit que de ce métier. "Je fais partie des quelques chanceuses qui peuvent se le permettre. C'est assez compliqué de débloquer cette intermittence du spectacle." Ce régime spécifique de l'assurance-chômage permet aux artistes notamment, de bénéficier de l'allocation d'aide au retour à l'emploi lorsqu'ils répètent, préparent une représentation ou lorsqu'ils se retrouvent sans travail entre deux projets par exemple. "Je l'ai enfin, c'est une sécurité énorme parce que je m'assure de pouvoir payer mon loyer et de pouvoir manger à ma faim, si je devais me casser une jambe demain", explique-t-elle.
Les intermittents du spectacle doivent avoir travaillé au moins 507 heures sous ce régime dans l'année, pour activer leurs droits. Donc les drag queens, essaient de "se professionnaliser au maximum", poursuit La Grande Dame. "La visibilité avec Drag Race c'est indéniablement la raison pour laquelle on peut se permettre tout ça." L'émission de France 2, au succès retentissant, a contribué à leur reconnaissance en tant qu'artistes professionnelles. La saison 2 du programme télévisé démarre le 30 juin.
"C'est un combat de tous les jours, une drag queen ne travaille pas au chapeau."
La grande damefranceinfo
La Grande Dame était déjà à "100% drag queen" lorsqu'elle a participé à l'émission. "Ça faisait une année que je m'étais vraiment lancée, mais c'était un pari énorme et c'est un dilemme pour beaucoup de drag queens : est-ce que je continue de bosser la journée ?"
Data scientist la journée, drag queen la nuit
Puis elle montre Alice, une autre drag queen qui travaille au Bizz'art. "Elle est professeure en data science, c'est pour vous dire. Une grande érudite". Ce qui ne manque pas de faire rire l'intéressée. "Oui, ce sont des statistiques appliquées par informatique. J'ai besoin que le clown en moi vive aussi sa vie", confie Alice Psycho, 31 ans, avant de se rendre dans les coulisses du cabaret.
Dans la loge, Cookie Kunty et Sublime se préparent. "Je mets une heure, une heure et quart. C'est du gros œuvre, c'est du BTP", résume la première en riant. "Les talons qui font mal, le corset, le collant qui brûle les hanches, la perruque qui chauffe et qui sert le front. Parfois, on se demande pourquoi on s'inflige ça", poursuit Sublime ou "la cheffe plaignante", taquine l'une de ses collègues.
"On détruit notre visage au maquillage pour en reconstruire un nouveau."
Sublimefranceinfo
Les drag queens "font aussi le tuck", c'est-à-dire "faire disparaître les attributs masculins". Selon Sublime, "cela fait partie des douleurs de débutantes. Puis avec le temps, on ne sent plus rien".
"C'est comme dans tous les milieux, la vieillesse n'est pas toujours bien reçue", souligne Mariska Stardust. À 37 ans, cette kinésithérapeute pense à son avenir : "continuer avec mon vrai travail, de tous les jours".
"Des drag queens de 25 ans, il y en a beaucoup. Des drag queens de 45 ans, il y en a peu".
Mariska Stardustfranceinfo
Devenir drag queen a été une forme de thérapie pour Nicolas alias Mystic Eclectic. "Mystic fait rejet de toutes les insécurités que Nicolas a pu ressentir, aussi bien dans le présent que dans le passé". Originaire des Antilles, "où on a une façon de penser qui est assez fermée par rapport à la société", Mystic sent qu'"exprimer son caractère féminin" est un "combat". Ou plutôt des combats. "C'est l'acceptation de soi, l'acceptation de la couleur de la peau, l'acceptation du genre, l'acceptation de l'orientation sexuelle et qu'on est libre de choisir ce qu'on veut être".
Une fois sur scène, les drag queens sont acclamées par le public. À table, des VIP sont venues les applaudir. Parmi eux, JoeyStarr, présent parce qu'il est "curieux", dit-il. Le comédien et rappeur les voit comme des artistes à part entière.
L'animatrice Cristina Cordula abonde : "J'ai toujours admiré les drag queens. Ce sont de vraies artistes. C'est un vrai métier de créer et de jouer un personnage." La présentatrice de l'émission Les reines du shopping sur M6 conclut évidemment par un "magnifaïque", l'expression prononcée à l'anglaise qui est devenue sa signature. Quant aux drag queens, si elles devaient décrire leur métier en un mot, elles emploierait les termes suivants : "rêve", "onirique", "éclectique", "liberté, "passion".
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