En Amazonie, les scientifiques traquent les nouveaux virus "enfermés dans la forêt depuis des milliers d’années"
Alors qu'au Brésil, les épidémiologistes constatent que la pandémie de coronavirus Covid-19 est hors de contrôle, toutes les conditions sont réunies en Amazonie pour une "explosion virale".
"On va prendre l'écouvillon et on va procéder à un prélèvement anal, nasal et buccal, un de chaque, que l'on placera dans ce tube cryo, explique Alessandra Nava, chercheuse vétérinaire à la Fondation Oswaldo Cruz d'Amazonie, l'équivalent brésilien de l'Institut Pasteur. Parce que quand on travaille sur les virus, c'est à basse température, donc on va les stocker dans ce récipient rempli d'azote liquide."
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Au Brésil, les épidémiologistes constatent que la pandémie de coronavirus Covid-19 est hors de contrôle. Le pays serait même devenu un "laboratoire à ciel ouvert". Certains affirment que l'apparition d'un nouveau virus en Amazonie est imminente : le poumon de la planète pourrait devenir le prochain épicentre d'une nouvelle pandémie. "Notre travail, poursuit Alessandra Nava, c'est de la surveillance active. Quand on va sur le terrain, on essaie d'attraper le virus avant qu'il ne se répande. Donc on va à la rencontre des chauves-souris, des rongeurs, des singes, pour repérer les pathogènes qui présentent un risque de mortalité pour l'homme et s'y préparer avec un vaccin. On essaie d'anticiper tout ça..."
Les recherches sur de nouveaux virus sont à l'arrêt
La pandémie actuelle a stoppé les recherches, au cœur de la forêt, sur l'apparition de nouveaux virus. À cause du risque de contaminer la faune au Covid-19, le travail se poursuit au Centro de triagem de animais silvestres (Cetas) de Manaus, le centre de dépistage des animaux sauvages. Ici, on recueille, protège et examine les animaux victimes de la chasse ou capturés. "La chasse est interdite au Brésil, indique Natalia Souza Lima, analyste environnemental et coordinatrice du Cetas. Tout cela est contrôlé, mais il y a aussi beaucoup de marchés clandestins. Le crime contre la faune, on ne le repère pas avec une image satellite comme pour la déforestation, où on peut voir les arbres abattus. Pour la faune, il faut un vrai travail de renseignement pour identifier les bêtes et trouver les filières."
Selon l'OMS, plus de 70% des maladies émergentes chez l'homme viennent en particulier des animaux sauvages. Cette instance de l'ONU réclame aujourd'hui l'interdiction mondiale de la vente d'animaux sauvages sur les marchés. La manipulation des bêtes sauvages, ou de leur sang avant d'être consommés, multiplient les possibilités de maladies infectieuses dites "zoonotiques". "La main de l'homme favorise les explosions virales, souligne Alessandra Nava. Tout est réuni, malheureusement, ici en Amazonie, pour qu'une épidémie éclate… Il y a une forte probabilité pour que ça arrive : on y va tout droit."
Habituellement associée au réchauffement climatique, la déforestation accélère aussi l'émergence de virus inconnus. Le mois dernier au Brésil, une surface supérieure à trois fois celle de Paris a été déboisée. À cette vitesse, la menace de voir éclore un nouveau virus ici, est bien réelle.
Un risque "infiniment plus important" qu'à Wuhan
"Cela se fera tout simplement par un saut zoonotique, et c'est très préoccupant, s'inquiète Lucas Ferrante, biologiste à l'Institut national de recherche d'Amazonie. Parce qu'aujourd'hui, un contact peut s'établir entre des animaux isolés dans la forêt à cause d'une dégradation plus importante de la forêt, une déforestation plus rapide. Et favoriser notre contact avec des virus qui sont enfermés dans la forêt depuis des milliers d'années."
On ne parle pas simplement de coronavirus, on parle de virus complètement inconnus de l'humanité qui peuvent se libérer à n'importe quel moment et provoquer une nouvelle pandémie, y compris plus grave que celle-ci ! Tout ça à cause de la déforestation...
Lucas Ferranteà franceinfo
"C'est en Amazonie, poursuit le biologiste, qu'il y a le plus grand risque de voir surgir un nouveau virus, et ce risque est infiniment plus important que ce que l'on vu à Wuhan. Parce qu'ici, la forêt renferme plus de virus et une dégradation environnementale plus importante qu'ailleurs dans le monde."
L'agriculture intensive, l'élevage industriel et l'orpaillage sont les principales causes de la déforestation au Brésil. Des activités encouragées par le président Jair Bolsonaro depuis le début de son mandat à la tête du pays. Arthur Virgilio Neto est un pilier de la politique brésilienne. Homme de droite, trois fois député fédéral, sénateur pendant huit ans, c'est aussi l’ancien maire de la capitale amazonienne Manaus. "Le président Bolsonaro, ce monsieur, s'il ne change pas, il échappera difficilement à un jugement devant le tribunal international de La Haye", assure l'élu. Aujourd'hui, plus d'une centaine de demandes d'impeachment ont été déposées au parlement brésilien pour dénoncer sa gestion catastrophique de la pandémie.
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