Environnement : des actionnaires demandent à TotalEnergies de réduire ses émissions de CO2
TotalEnergies, la première entreprise de France tient, dans la matinée du vendredi 26 mai, son assemblée générale annuelle avec ses actionnaires. Le géant français du pétrole et du gaz affiche une solide santé financière puisqu'en 2022, il a engrangé un résultat net de 4,9 milliards d'euros. Pourtant, l'ambiance risque d'être tendue. Ce rendez-vous a lieu sous haute sécurité avec un filtrage, des portables sous scellés, des ordinateurs et des sacs consignés. Une fois de plus, la question du climat vient jouer les trouble-fêtes. Des ONG de défense de l'environnement appellent à bloquer l'évènement.
L'ambiance risque aussi d'être tendue à l'intérieur de la salle car certains réclament plus d'efforts pour le climat. Comme en 2022, un vent de rébellion souffle sur certains actionnaires, ce qui a le don de mettre de mauvaise humeur le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné. Il s'exprimait en mai 2022 au micro BFM Business : "Je veux bien qu'on donne beaucoup de bruit à quelques institutionnels français qui ne sont pas contents mais ils gardent leurs actions, voire les augmentent. Il y a un côté Tartuffe dans cette affaire, ce qui me met en colère".
Cela ne va pas s'arranger parce que cette année, la résolution d'un groupe d'actionnaires activistes est inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée générale. Elle demande à TotalEnergies de réduire ses émissions de CO2. Cela veut dire renoncer aux nouveaux projets de forages pétroliers et gaziers pour se développer sur les énergies bas carbone.
La politique climat du groupe approuvée à plus de 89 %
Pour Valentin Vigier, analyste à la Financière de l'Echiquier, l'un des investisseurs qui a déposé la résolution, à cause du réchauffement climatique, les énergies fossiles vont finir par plomber les comptes du groupe. "C'est une question de gestion du risque. La diversification des sources d'énergie, c'est aussi moins de dépendance aux énergies fossiles qui sont très liées à des problèmes de géopolitique, de souveraineté énergétique. Dans un monde qui se réchauffe, on a potentiellement une réglementation qui va se renforcer, des habitudes de consommation qui vont changer, et donc une demande en énergie fossile qui va chuter peut-être plus rapidement que les estimations aujourd'hui", estime-t-il.
Ces actionnaires rebelles représentent moins de 1,4 % du capital selon TotalEnergies. En 2022, la politique climat du groupe a été approuvée à plus de 89 %. La majorité des actionnaires a fait ses comptes, selon Patrick Raison, président de l'Association nationale des actionnaires de France. "La marge dégagée sur les énergies carbonées est bien supérieure à celle dégagée aujourd'hui sur les énergies renouvelables. La majorité des actionnaires de Total sont des Anglo-Saxons ou des fonds de pensions américains qui, eux, recherchent une rentabilité au niveau de leur investissement, une progression du cours de bourse et du dividende", décrit-il.
"Si la rentabilité de Total se dégrade à court terme, on peut penser qu'il y aura des arbitrages sur des groupes qui ont une meilleure rentabilité"
Patrick Raison, président de l'Association nationale des actionnaires de Franceà franceinfo
La résolution des actionnaires minoritaires est consultative donc même si elle passait, la direction ne sera pas tenue de l'appliquer. TotalEnergies a de toute façon demandé à ses actionnaires de ne pas la voter. Même si cette résolution d'actionnaires n'a aucune chance d'aboutir, comme celles déposées à Shell, BP, Engie et dans d'autres secteurs, Lucie Pinson, fondatrice de l'ONG Reclaim Finance, y voit tout de même un avantage. D'après elle, "elles permettent de mettre la pression sur ces entreprises et de les pousser à publier plus d'informations. Plus d'informations, c'est moins de greenwashing puisque cela permet de montrer par A + B que ces entreprises ne sont pas en transition".
Elle appelle surtout à intégrer la performance climat à chaque vote. Yamina Saheb, docteure en énergétique et co-auteure du rapport du GIEC, estime que l'urgence climatique nécessite des mesures encore bien plus fortes. "Le seul moyen d'agir, c'est de reprendre le pouvoir, que le politique reprenne le pouvoir. Cela veut dire qu'il faut nationaliser ces sociétés-là, sauf que c'est maintenant qu'on doit reprendre ce pouvoir. C'est la dernière période où les pouvoirs publics peuvent faire quelque chose", explique cette docteure en énergétique.
Les actionnaires sont encore tenus aujourd'hui largement à l'écart des choix environnementaux. En France, en 2022, seules 10 entreprises, dont TotalEnergies, ont organisé des votes sur leurs stratégies climat et tous n'étaient que consultatifs.
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