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Musique : un autre streaming est-il possible ?

De plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer un changement du système de rémunération du streaming musical, avec une meilleure répartition des revenus, et la remise au centre des artistes dans toute leur diversité.

Article rédigé par franceinfo, Yann Bertrand
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Illustration streaming musical. (DAREK SZUSTER / MAXPPP)

La révolution numérique a totalement changé la face de l'industrie musicale, avec ses gagnants et ses nombreux perdants. C'est encore plus vrai en temps de pandémie de Covid-19 : le streaming attise les convoitises. Au point d'inventer en cette année 2021 une nouvelle Victoire de la musique, celle du titre le plus streamé. Et le 12 février dernier à la Seine Musicale, le rappeur Gradur ne boudait pas son plaisir : "Un grand merci au stream. J’ai commencé la musique, il n’y avait pas le stream. Aujourd’hui, il y a le streaming qui permet à beaucoup d’artistes de se faire écouter un peu partout, donc c’est magnifique."

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Il faut dire que le rap est le grand gagnant du streaming : Booba, PNL, Dadju, Ninho, Damso, Nekfeu etc. Ce sont eux les grands gagnants d'un système à la fois simple et complexe, celui du Market Centric Payment System. Les revenus sont répartis entre les artistes dont les titres sont les plus massivement écoutés. En septembre dernier sur France Inter, le chanteur Vianney prenait l'exemple d'un abonné qui paie et écoute des artistes à la démarche plus indépendante et confidentielle : "Les 10 euros qu’il aura payés dans le mois pour écouter ces personnes n’iront pas aux gens qu’il a écoutés. C’est-à-dire que si le fils de l’auditeur a aussi son compte, il va écouter Dadju - et c’est super Dadju -, c’est juste que son père va rémunérer Dadju.”

Le User Centric, un autre mode de répartition

Pour bien comprendre, il y a aussi cette étude récente, et ce chiffre dramatique : sur Spotify, le leader mondial, 90% des artistes touchent moins de 1 000 euros par an. Les artistes signent donc des pétitions, et des solutions se dessinent peut-être. "Il y a bien sûr une question sur la rémunération des artistes, de ceux qui travaillent avec eux, les groupes, les manageurs les agents, ou les producteurs indépendants, explique Jean-Philippe Thiellay, le président du Centre national de la Musique (CNM). Précédemment, lorsqu’on achetait le disque d’un artiste, il était rémunéré de manière certaine par cet achat. Aujourd’hui sur la plateforme de streaming, ça ne marche plus comme ça."

Le CNM vient donc de rendre une étude fouillée sur un modèle alternatif, présenté comme le modèle miracle par beaucoup d'acteurs de la filière : le User Centric. Un système dans lequel l'utilisateur ne rémunère que les ayants-droits des titres qu'il écoute. Cela semble en effet bien plus juste, et pourtant. "Une des conclusions de l’étude c’est que ce User Centric, c’est-à-dire cet autre mode de répartition des revenus, n’est en aucun cas une baguette magique, explique Jean-Philippe Thiellay. C’est une photographie à un instant 'T', le marché du streaming a des croissances à deux chiffres. En France, il n’y a que 10% de la population qui est abonnée de manière payante à une plateforme de streaming. Donc c’est certain que ça va progresser. Dans six, huit ou dix mois la situation aura changé. C’est à la fois fascinant et assez anxiogène pour pas mal d’acteurs."

Dans les "plus" : davantage de diversité dans les esthétiques musicales, et un rééquilibrage des revenus. Mais un modèle économique à construire, dépendant de la bonne volonté des géants du streaming, dont Spotify et Deezer qui ont mis à disposition leurs données pour cette étude.

Des initiatives venues des artistes

Il va falloir du temps avant l’arrivée d’un modèle plus éthique, mais le chemin semble se dessiner. Et quelques initiatives menées par des artistes méritent qu'on s'y attarde. Celle de Pascal Obispo, qui a lancé sa propre application : All Access. Toute sa musique et beaucoup de contenus exclusifs contre un abonnement, il en parlait en début d'année sur franceinfo : "C’est un manifeste pour la liberté, j’ai fabriqué ma maison de musique. Je n’aurais pas pu faire tout ce que je fais aujourd’hui si j’avais été dans une maison de disques."

Autre initiative, celle du musicien Samuel Strouk. Il est parti d'un constat simple : "Imaginez que l’on soit dans un monde où la baguette ne coûte plus que 0,00002 centime, comment le boulanger va gagner sa vie ? Avant un problème de partage, il y a un problème de valorisation des contenus." Et il a donc imaginé Music In, une nouvelle plateforme sans publicité, sans algorithme, une sorte de coquille à disposition de tous les artistes. Musique, vidéo, boutique en ligne, billets de concerts, chaque créateur choisit ce qu'il met à disposition, et pour quel montant.

"Le sens de l’application que je propose, ce n’est pas tant de s’opposer à ce qui existe, c’est de venir compléter le dispositif, développe Samuel Strouk. Il y a une notion à voir sur la nouveauté et sur la création. Aujourd’hui quand un film est produit cela coûte plusieurs millions d’euros. Au moment où il sort, il n’est pas distribué le soir même à la télévision. L’objet n’est pas de capter du temps d’écran, d’inventer des nouvelles fonctionnalités addictives, quand on aime un artiste on l’écoute et puis c’est tout." Music In sera lancé le 5 mars prochain, et si l'application ne prétend pas bouleverser le système actuel du streaming, elle montre le passage symbolique du discours à la pratique. Alors oui, un autre streaming est possible.

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