"On a trouvé quelque chose d’extraordinaire" : 50 ans après, ils nous racontent la découverte de Lucy
Un demi-siècle plus tard, Lucy, celle qui fut longtemps présentée comme notre grand-mère universelle garde toute sa place dans l'histoire de l'Humanité. Raymonde Bonnefille, une scientifique spécialiste de l'étude des pollens fossiles, qui faisait partie, chose rare pour une femme à l'époque, de l'équipe de recherche déployée sur le terrain en Ethiopie se souvient : "J'avais rejoint mes camarades. Ils étaient déjà sur le terrain depuis plus d'un mois et quand je suis arrivée à l'entrée du campement, l'étudiant américain sautait de joie en criant : 'On l'a trouvé ! On l'a trouvé !' Et ça voulait dire qu'on avait trouvé quelque chose d'extraordinaire. C'étaient les fragments osseux qui avaient été repérés."
Cet étudiant, dont parle Raymonde Bonnefille, c'est Tom Gray qui assiste l'un des patrons de ce chantier de fouille, l'anthropologue américain Donald Johanson, qui mène des recherches depuis deux ans dans cette zone de l'Afar. En tout, 52 fragments ont été retrouvés, assemblés et datés. À l'époque, c'est le fossile le plus ancien jamais retrouvé dans ce qui peut être considéré comme la lignée des hominidés, caractérisée notamment par cette bipédie qui nous différencie des singes.
La naissance de Lucy
Et puis il y a ce prénom, accolé à ce squelette féminin d'à peine plus d'un mètre de long, qu'un autre participant à la mission scientifique, le Français Yves Coppens, saura si bien raconter tout au long de sa carrière comme ici en 2010 : "Elle s'appelait au départ 'AL 288', ce n'est pas très élégant. Et puis le soir on marque des fossiles pour ne pas les perdre donc on met AL 288-1, AL 288-2 avec un petit coup de vernis par-dessus et en faisant ça, ce qui n'est pas très drôle, on écoute de la musique et le jour où on a trouvé le demi-bassin on s'est dit qu'en plus, c'est une fille. Et AL 288 est devenu 'Lucy' parce qu'on écoutait une cassette des Beatles."
En 1978, Lucy devient la représentante plus précise d'une espèce, austrolopithecus afarensis, l'australopithèque de l'Afar que l'on place alors en ligne directe ou quasi directe avec nous dans l'arbre généalogique humain. Un statut de grand-mère en quelque sorte qui a évolué depuis 50 ans. "Au moment de sa découverte, Lucy est unique, souligne Amélie Vialet, paléoanthropologue au Museum national d'histoire naturelle. Elle va constituer les fossiles qui vont permettre vraiment la définition d'une nouvelle espèce d'australopithèque. Aujourd'hui, l'arbre généalogique s'est énormément complété. Il est beaucoup plus dense, touffu, garni donc elle est une parmi d'autres".
Un autre ancêtre célèbre : Toumaï
Lucy est donc une parmi d'autres parce qu'en 50 ans de nouvelles découvertes ont été faites. La date d'apparition de la bipédie évolue, peut-être jusqu'à 7 millions d'années avec un autre ancêtre célèbre : Toumaï. Lucy est une parmi d'autres également parce que même au sein du genre australopithèque d'autres familles sont apparues et ont été découvertes, avec pour les chercheurs, à chaque fois, de nouvelles questions à la clé. "On le voit avec Lucy et tous ceux qui l'entourent finalement, maintenant toutes ces différentes espèces d'australopithèques ou un peu plus récemment de paranthrope avec les premiers homos, explique Amélie Vialet. Donc on a vraiment des formes contemporaines, plein de groupes différents qui font qu'il y a cette grande paléo biodiversité même au sein de ces primates de nos ancêtres très lointains qui montrent qu'il y avait vraiment énormément de diversité à laquelle on est moins habitué aujourd'hui, étant maintenant les seuls homo sapiens sur terre."
Le squelette de Lucy repose au musée national d'Addis-Abeba
De son côté, Raymonde Bonnefille a couché dans un livre, Sur les pas de Lucy, ses souvenirs de ces années de fouilles en Ethiopie pour garder une trace d'une aventure humaine. "Ça a été quelque chose d'extraordinaire, raconte Raymonde Bonnefille. J'ai écrit le livre parce que je voulais qu'on garde une mémoire et je voulais faire rêver les jeunes chercheurs parce que je pense qu'un chercheur qui trouve des choses nouvelles, c'est quelqu'un qui rêve et qui va pour se confronter à la réalité dans l'inconnu".
Partir vers l'inconnu et vers nos origines c'est ce qui a poussé la Nasa à choisir le prénom Lucy en 2021 pour sa sonde envoyée en direction d'astéroïdes de notre système solaire qu'elle survolera dans quelques années. Quant au célèbre squelette, il repose aujourd'hui au musée national d'Addis-Abeba, sous le ciel d'Ethiopie.
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