Paris 2024 : ces questions éthiques qui se posent avec les caméras "intelligentes" installées pour les Jeux olympiques
C'est un outil censé aider les forces de l'ordre, mais dénoncé par les défenseurs des libertés individuelles : les caméras dites "intelligentes" vont se multiplier sur le territoire, à l'occasion des Jeux olympiques de Paris 2024. C'est ce que prévoit en tout cas le projet de loi débattu à l'Assemblée nationale à partir du lundi 20 mars jusqu'au jeudi 23 mars après avoir été adopté par le Sénat en janvier. Le texte autorise l'expérimentation à grande échelle de ces caméras "augmentées" dans le cadre des Jeux olympiques.
>> Avant Paris 2024, comment la surveillance de masse est devenue une discipline olympique
De quoi s’agit-il ? Quand on parle de "caméra augmentée", ou de "caméra intelligente", on parle surtout des logiciels utilisés pour analyser en temps réel les flux d'images. Ces logiciels sont basés sur des algorithmes développés par des entreprises bien connues, comme Thalès, ou de jeunes entreprises comme des start-ups. C'est le cas de Wintics, à Paris, qui déploie sa technologie depuis 2020 dans des gares, des aéroports ou des centre-ville.
Une limite : la reconnaissance faciale
"Nous avons seulement appris à notre algorithme à reconnaître des objets, indique Mathias Houllier, l'un des fondateurs de l'entreprise. Cela signifie que nous sommes capables de reconnaître une personne, un vélo, une voiture, un camion, un colis, un bagage. Mais pas d'identifier une personne qui serait sur une voie piétonne qui accueille du public dans le cadre des JO."
Pas de reconnaissance faciale : c’est la limite imposée par le RGPD, le règlement européen sur la protection des données. Les logiciels sont donc utilisés plutôt à des fins statistiques, pour compter par exemple des véhicules dans une rue. Mais ils peuvent évidemment aussi se révéler utiles pour repérer des événements indésirables.
"L'algorithme est capable de détecter une voiture ou un camion qui représente une éventuelle menace et il peut le notifier à un opérateur vidéo pour qu'il puisse mobiliser des effectifs et réagir en temps réel."
Mathias Houllierà franceinfo
À l'heure où le nombre de caméras de surveillance se multiplient dans les rues, ces dispositifs sont donc présentés comme des assistants capables de prévenir les forces de l'ordre en cas d'anomalie.
Dans les faits, ces technologies sont déjà utilisées : de Reims à Marseille en passant par Montargis, certaines communes n'ont pas attendu ce projet de loi JO 2024. Elles testent ou ont testé ces logiciels, parfois en-dehors de tout cadre juridique, selon les mots de la Cnil, le gendarme des données personnelles.
4 000 caméras déjà déployées à Nice
Parmi les municipalités qui militent pour les caméras intelligentes se trouve Nice, où une centaine de policiers municipaux se relaient pour scruter les images fournies par 4 000 caméras.
"Nous sommes ici dans la salle de la surveillance des écoles, explique in situ Grégory Pezet, chef du centre de supervision urbain. Dans cette salle se trouve un opérateur qui va s'occuper de la vidéo-verbalisation. Avec cette technologie que nous avons mise dans nos caméras sur six ans, actuellement, on a une remontée d'alarme sur un véhicule qui va rester stationné sur une piste cyclable plus d'une minute. L'opérateur prendra ensuite la main en direct et fera la levée de doute. S'il est confirmé que le véhicule est en infraction sur la piste cyclable, il sera verbalisé."
Autre expérimentation menée à Nice : la détection des dépôts sauvages d'ordures dans les rues. "Aujourd'hui, on constate que ces expérimentations fonctionnent et qu'elles sont fiables, défend Anthony Borré, le premier adjoint au maire de Nice. Et c'est vrai que quand on a 4 000 caméras, cela nécessite évidemment un outil de détection pour pouvoir être efficace."
Des risques d’atteintes aux libertés individuelles
Les défenseurs des libertés individuelles sont loin d'être du même avis. Par exemple, la Cnil évoque des risques nouveaux pour les droits et libertés des personnes et des organismes comme la Commission consultative des droits de l'homme appellent les députés à rejeter l'article de la loi qui prévoit ces expérimentations.
"Même sans reconnaissance faciale, toute personne qui passera au milieu d'un groupe ou d'une foule sera susceptible d'avoir été repérée par ce logiciel, oppose ainsi Jean-Marie Burgburu, le président de la CNCDH. Voilà un risque grave pour le respect des droits fondamentaux dans notre pays. Le risque de ces lois de sécurité expérimentales et provisoires, c'est qu'elles durent."
Et justement, cette expérimentation des caméras intelligentes ne concerne pas que les Jeux olympiques puisque le projet de loi l'autorise jusqu'au 30 juin 2025. Un rapport d'évaluation devra par ailleurs être remis au Parlement pour faire le point sur ces technologies et éventuellement mettre au point une loi adaptée.
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