Pass vaccinal : victimes de menaces et de violences, des élus "en colère contre la connerie" tentent de réagir
Les intimidations et menaces de mort à l'encontre de députés favorables au pass vaccinal se multiplient. Dépôts de plainte, système d'alerte avec les gendarmes, rencontre avec le gouvernement : la riposte s'organise.
Pascal Bois, député LREM de l'Oise, fait partie des plus de 1 300 élus visés par des intimidations et des menaces en 2021. Dans son cas, cela va même beaucoup plus loin. Son garage et sa voiture ont été incendiés en pleine nuit durant la semaine du jour de l'an. Jamais il n'aurait imaginé être pris pour cible chez lui, à Chambly, une commune tranquille à une quarantaine de kilomètres de Paris : "On a été réveillés par les pompiers qui sont venus frapper à la porte et là, il y a eu un moment de sidération. Particulièrement ma femme qui ne pouvait pas imaginer une chose pareille, qu'on puisse venir s'attaquer au domicile d'un parlementaire."
"Il y a une part de colère, une colère contre la connerie. Dans un pays démocratique, il y a d'autres moyens."
Pascal Bois, député LREM de l'Oiseà franceinfo
Pascal Bois nous emmène ensuite de l'autre côté de sa maison, côté rue. Sur le mur d'enceinte, "il y a deux tags". Sur l'un est inscrit "Votez non!", sur l'autre en rouge, "Ça va péter". "Donc, le message est clair", commente le député. Pour cet élu de la majorité, c'est bien la signature des antivax.
Depuis l'incendie, il a d'ailleurs déjà reçu deux nouvelles menaces de mort par mail et les intentions ne laissent aucun doute : "Je les lis en diagonale parce qu'il ne faut pas non plus que ça devienne trop anxiogène, mais bon, voilà, là c'est 'tu vas te prendre des balles. Je fabrique, distribue des semi-automatiques. Si tu te fais tuer par une de ces armes, c'est grâce à moi'. Ça va loin, mais on ne peut pas laisser passer et on ne peut pas être non plus dans le renoncement. À la limite, t'as pas de choix, tu ne peux pas baisser les bras comme ça."
En à peine un mois et demi, Pascal Bois a déposé quatre plaintes. Il a notamment reçu, en novembre, un courrier de menace avec une balle de 22 Long Rifle, tout comme d'autres députés et sénateurs de l'Oise. Pour sécuriser sa maison, l'élu a décidé d'installer des caméras. Le ministre de l'Intérieur a, quant à lui, demandé un renforcement des patrouilles devant les permanences et les domiciles des parlementaires.
Une application pour protéger les élus
De son côté, la gendarmerie vient de lancer une grande opération pour soutenir les élus ruraux après avoir constaté une hausse de 21% des atteintes les visant dans les petites et moyennes communes. Une campagne baptisée "Présents pour les élus" avec le lancement d'une application dédiée aux maires, Gend'Elus. Pour Raphaël Nivoit, ce n'est pas de la "com", mais bien du concret. Il est maire de la petite commune de Gambais, dans les Yvelines et avoir cette application sur son téléphone est pour lui, un outil supplémentaire face aux nouvelles menaces : "On ne s'y attend pas, à se faire agresser par un administré ou par une personne dans la rue qu'on peut croiser."
"On ne s'y attend pas, on ne se prépare pas à ça."
Raphaël Nivoit, maire de Gambaisà franceinfo
"L'élu est le premier sur la ligne de front et l'objectif, c'est de faire en sorte que la gendarmerie soit vraiment accessible du bout du doigt, explique l'adjudant Arnaud Conchaudron, référent sûreté pour le Groupement de gendarmerie départementale des Yvelines. Il suffit au maire de taper le nom de la commune où il se trouve, et immédiatement il aura un lien direct avec le numéro de téléphone de la brigade de gendarmerie la plus proche", précise le lieutenant-colonel Nicolas Le Guyader, officier adjoint. Les maires peuvent aussi s’inscrire à "un système spécifique" qui permet à la brigade de les identifier grâce à leur numéro de téléphone : "Nous savons alors qu’un élu cherche à nous joindre de toute urgence, et une priorisation est faite par rapport à cette identification".
Autre outil à la disposition des élus des communes rurales : le dispositif Ubiquity qui leur permet de déposer plainte sans avoir à se déplacer. Les gendarmes viennent à eux. Sur la gestion des incivilités, les négociateurs régionaux du GIGN ont par ailleurs formé plus de 13 000 élus l'année dernière, plus d'un millier pour le Raid.
Faire évoluer la procédure judiciaire
Les élus sont incités à déposer plainte dès qu'ils sont menacés, mais quand il ne s'agit pas d'agression physique, les auteurs de menaces sont rarement poursuivis. C'est ce que déplore le maire de Cannes David Lisnard, président de l'Association des maires de France : "Il y a une facilité de classer sans suite lorsqu'il s'agit de menaces, d'invectives ou simplement de bousculades. Et on voudrait une effectivité. Et puis j'ai proposé depuis plusieurs mois maintenant que l'Association des maires de France puisse se constituer partie civile lorsqu'un élu municipal est agressé ou menacé."
David Lisnard sera reçu le 18 janvier prochain par Éric Dupond-Moretti, le ministre de la Justice. Richard Ferrand, le président de l'Assemblée nationale doit lui aussi rencontrer ces prochains jours le garde des Sceaux et le ministre de l'Intérieur. Le Premier ministre a quant à lui dénoncé des "violences inadmissibles", mardi 4 janvier. À trois mois de la présidentielle, le sujet est ultra-sensible.
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