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Présidentielle iranienne : vers une victoire des conservateurs ?

Les Iraniens votent pour élire leur président ce vendredi. Quatre candidats sont encore en lice pour succéder à Hassan Rohani mais un seul est favori : l'ultraconservateur Ebrahim Raïssi.

Article rédigé par franceinfo, Franck Mathevon
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
A Téhéran, on ne voit que des portraits du favori Ebrahim Raïssi.
 (FABIEN GOSSET / RADIOFRANCE)

Les électeurs et électrices iraniennes se prononceront, vendredi 18 juin, lors de l'élection présidentielle. Le résultat ne fait guère de doutes. A Téhéran, on ne voit que des portraits d’Ebrahim Raïssi, 60 ans, barbe poivre et sel, lunettes et turban noir. Ce visage devient vite familier. Il apparaît sur de nombreuses affiches, le long des grandes artères, aux arrêts de bus… C’est l’homme que les autorités ont choisi pour devenir président et succéder au modéré Hassan Rohani.

Une élection présidentielle cadenassée

Dans le passé, le président iranien devait certes appartenir au système mais les modérés ont toujours été représentés. Cette fois, le seul candidat réformateur est méconnu, il a très peu de chances de l’emporter. La frange dure a donc verrouillé l’élection et elle compte de toute façon de nombreux soutiens dans la population. "Les gens sont mécontents de la situation économique actuelle, ils sont même en colère, explique un fonctionnaire rencontré ce vendredi matin, la vie est devenue difficile pour eux et c'est le résultat de l'action du gouvernement actuel. Il est temps de changer de politique pour remédier à cela".

Une affiche à Téhéran en ce jour d’élection présidentielle en Iran.  (FABIEN GOSSET / RADIOFRANCE)

Mais la plupart des Iraniens que nous avons croisés cette semaine ne tiennent pas ce discours. Beaucoup n’iront pas voter, ils critiquent souvent la dureté d’Ebrahim  Raïssi, chef de l’Autorité judiciaire, qui a une tâche sur son CV : il est l’un des responsables de l’exécution de milliers d’opposants en 1988.

Beaucoup d'Iraniens n'ont aucune perspective. C'est lié d’abord à la crise économique. Les sanctions américaines ont été rétablies après le retrait par Donald Trump de l’accord sur le nucléaire iranien il y a trois ans. Le rial, la monnaie locale, s’est effondrée. Quand on vient aujourd’hui avec des dollars en Iran, on peut manger au restaurant pour deux ou trois dollars. L’inflation est estimée à 50% sur un an. Les Iraniens n’ont donc plus d’argent pour leurs projets et les perspectives politiques sont plus sombres que jamais. C’est ce que constatent Ali et Mohammad, deux frères, deux étudiants qui ont appris le français. lls s’inquiètent pour leur avenir.

"Beaucoup de choses sont impossibles ici. Par exemple acheter une maison c’est très cher, même une voiture c’est difficile".

Maintenant avec ces élections c’est le désespoir qui domine.

Ali, étudiant iranien

à franceinfo

"Moi je ne vote pas car il n’existe aucun horizon, pour nous le peuple. Je m’en fous de voter pour aucun changement dans le système", explique de son côté Mohammad. 
"Le choix de tous les gens maintenant c’est d’émigrer, c’est de ne pas rester ici parce que, cette fois, nous n'avons pas l’espoir d’un changement", ajoute Ali.    

La pandémie a plongé un peu plus l’Iran dans la crise. C’est le pays du Moyen-Orient le plus touché par le Covid-19. Plus de 80 000 morts officiellement, certainement beaucoup plus en en réalité.

La participation était d'environ 40% au premier tour de la Présidentielle, selon les autorités. (FABIEN GOSSET / RADIOFRANCE)

De plus en plus de critiques internes au régime

La sélection des candidats à la présidentielle a mécontenté beaucoup de responsables politiques. Il y a des appels au boycott de l’élection. D’habitude, en Iran, le cadre est contraint mais le débat existe entre réformistes et conservateurs. Cette fois, le pouvoir cherche à imposer une seule ligne et plusieurs voix s’élèvent contre cette mainmise des ultras. Comme Masoumeh Ebtekar, figure de la politique iranienne, connue pour avoir été porte-parole des étudiants iraniens qui ont occupé l’ambassade américaine à Téhéran il y a 40 ans. Elle est aujourd’hui vice-présidente chargée des Femmes et des Affaires familiales. Dans un anglais parfait, elle dit ce qu'elle pense des ultraconservateurs qui tentent de confisquer le pouvoir.

"Je pense que leur but est d’éviter que les gens viennent voter. Et si c’est le cas, la minorité va l’emporter comme l’an dernier aux législatives. Ils savent qu’ils sont une minorité. Quand le peuple se mobilise, le résultat c’est un président qui croit en plus de liberté, plus de démocratie", indique-t-elle.

Ce qui est en jeu aujourd’hui c’est la dimension démocratique de la République islamique.

Masoumeh Ebtekar, vice-présidente de l'Iran chargée des Femmes et des Affaires familiales

à franceinfo

Dans cette République islamique, le président élu aujourd’hui aura de toute façon des pouvoirs limités. Le vrai chef c’est le Guide suprême Ali Khamenei, qui aura 82 ans le mois prochain. Ebrahim Raïssi est souvent présenté comme un possible successeur du Guide. Mais à la présidence, il court le risque de mécontenter le peuple si son bilan économique est décevant.   

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