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Témoignage
Procès de Rédoine Faïd : "C'était une question d'honneur de le retrouver", confie un policier qui a participé à la traque

Le 1er juillet 2018, Rédoine Faïd, braqueur multirécidiviste, s'évadait de la prison de Réau, en Seine-et-Marne. Sa cavale avait duré trois mois. Son procès pour cette évasion s'ouvre ce mardi devant la cour d'assises de Paris. Retour sur la traque et l'arrestation du "roi de la belle" depuis l'intérieur.
Article rédigé par Pierre de Cossette
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le 1er juillet 2018 à Gonesse, au nord de Paris, la police enquête près d'un hélicoptère abandonné par le braqueur français Rédoine Faïd après son évasion de la prison de Réau. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Un hélicoptère qui s'envole au-dessus de la prison de Réau (Seine-et-Marne), sous les acclamations admiratives de détenus... Le braqueur multirécidiviste Rédoine Faïd, 51 ans, comparaît mardi 5 septembre devant les assises de Paris pour son évasion spectaculaire et ultrarapide en 2018, sa deuxième en cinq ans.Il est jugé jusqu'au 20 octobre notamment pour "récidive d'évasion en bande organisée" et "détournement d'aéronef", avec 11 autres personnes soupçonnées de l'avoir aidé à préparer ou à réaliser cette évasion, ou de l'avoir assisté lors des trois mois de cavale qui ont suivi.

>> Procès de Rédoine Faïd : à 11h28, le 1er juillet 2018, "le roi de la belle" s'évade de la prison de Réau en hélicoptère

Parmi elles, cinq membres de sa famille : Rachid, 65 ans, grand frère et "chef" supposé de l'organisation, et Brahim, 63 ans, qui se trouvait au parloir avec Rédoine Faïd ce 1er juillet 2018 vers 11h00 quand le commando armé a fait irruption par les airs au centre pénitentiaire de Réau. 

Un hélicoptère, des explosifs, mais aucun coup de feu tiré, puis trois mois de cavale... franceinfo a recueilli le témoignage d'un policier qui a participé à la traque du "roi de la belle".   

"Un sentiment de sidération"

Nous sommes alors le dimanche 1er juillet 2018, en fin de matinée. Alors qu'une partie de la France a les yeux tournés vers le Panthéon où Simone Veil fait son entrée, à quelques dizaines de kilomètres de là, le centre pénitentiaire de Réau, en Seine-et-Marne, est le théâtre d'une scène inouïe. "On vient de l'apprendre, le célèbre braqueur multirécidiviste Rédoine Faïd s'est évadé par hélicoptère ce matin d'une prison de Seine-et-Marne", annonce franceinfo, avant de livrer les premiers éléments d'information sur cette évasion : "À 11h20, Rédoine Faïd est au parloir. Trois complices, munis d'armes de guerre parviennent à le rejoindre avant de l'extraire et de le mener jusqu'à un hélicoptère posé à proximité. Opération de quelques minutes. Toutes les forces de police nationale et de gendarmerie sont en alerte afin d'empêcher une fuite vers l'étranger." Entre l'arrivée de l'hélicoptère, l'ouverture de quatre portes de la prison découpées à la disqueuse thermique et l'extraction du détenu, l'opération dure 7 minutes seulement. Rédoine Faïd, en plein parloir avec son frère, se fait donc la belle pour la seconde fois en 5 ans. Il s'était déjà évadé le 13 avril 2013, à l'occasion d'un parloir également, de la prison de Sequedin dans le Nord. 

La prison de Reau (Seine-et-Marne) d'où Redoine Faïd s'est évadé, le 1er juillet 2018. (MAXPPP)

Ce dimanche 1er juillet 2018, à la direction de la police judiciaire, c'est le branle-bas de combat. Christophe Foissey est alors le chef de la brigade des fugitifs. Il se souvient de cette journée comme si c'était hier :"Ça a été tout d'abord un sentiment de sidération. Parce que Rédoine Faïd, bon nombre de mes fonctionnaires avaient déjà traité son évasion quelques années auparavant. C'est quelqu'un qui est aguerri à ce genre de choses, donc prudent, méticuleux, qui prend des précautions sur tout ce qu'il fait, bien évidemment. Donc, il a fallu se centrer sur le relationnel. C'est-à-dire, on a étudié son cercle familial, son cercle amical et son relationnel criminel..."

"En mode commando"

Une question se pose : Rédoine Faïd a-t-il quitté la France pour se cacher à l'étranger ? Sur ce point, à l'époque, chacun a un avis. Mais trois semaines après l'évasion, lors d'un banal contrôle dans le Val-d'Oise, les gendarmes manquent d'interpeller le fugitif. Dès lors, la conviction de Christophe Foissey est faite.

"Les premiers éléments qui nous sont remontés nous ont montré qu'il était plutôt resté en région parisienne et manquait d'argent. Une cavale de haut niveau coûte très cher parce qu'il faut changer de planque régulièrement, changer de véhicule régulièrement, avoir des flottes de téléphones cellulaires", explique le policier. "Il faut payer des gens pour effectuer différentes choses à votre place, pour pouvoir rester caché..."

"On savait aussi, par le milieu, qu'aucun voyou d'envergure n'avait accepté de financer ou l'aider dans cette fuite."

Christophe Foissey, chef de la brigade des fugitifs à l'été 2018

à franceinfo

Savoir que Rédoine Faïd se cache sans doute en région parisienne ne signifie pas qu'il est simple de l'interpeller. Loin de là. À la police judiciaire de Versailles et à la brigade des fugitifs, "on est passé en mode commando", explique Christophe Foissey. Soirées, nuits, week-end : c'est une traque sans répit. Des chasseurs retrouvent en forêt du matériel qui a servi à l'évasion et des armes. Mais pour les enquêteurs, pas d'indice magique, et le temps passe. "Il y a eu des moments de creux où ça n'avançait pas, se remémore l'enquêteur. Et je tiens à souligner que nous n'avons pas reçu d'informations pour nous indiquer qu'il était là, à tel étage d'un immeuble... C'est vraiment un gros travail d'enquête. C'était une question d'honneur de le retrouver et de le remettre à nouveau sous les verrous. C'est vraiment un travail policier, un travail des enquêteurs qui ont exploité des centaines de milliers de lignes téléphoniques pour arriver à retrouver la ligne qu'il utilisait..."

93 jours de traque

La traque va durer 93 jours. C'est une femme, une complice de Rédoine Faïd qui, malgré elle, va amener les enquêteurs vers le fugitif, passé maître dans l'art du déguisement. Le 3 octobre, c'est dans sa ville natale, à Creil, dans l'Oise, que Rédoine Faïd tombe. Lors d'une opération de police nocturne montée à la hâte, comme le résume alors le procureur de Paris, François Molins : "Les enquêteurs se sont rendu compte que cette jeune femme prenait à bord de son véhicule une personne vêtue d'une burqa, dont l'allure laissait supposer qu'il pouvait s'agir d'un homme. Hier soir, les enquêteurs ont vu l'individu vêtu d'une burqa sortir du véhicule et entrer au domicile de la jeune femme, située rue Carpeaux, à Creil. C'est dans ce contexte que les opérations ont été accéléré et que les enquêteurs ont interpellé cette nuit à 4h20, Rédoine Faïd."

Le braqueur multi-récidiviste Redoine Faïd lors de son interpellation, le 3 octobre 2018, à Creil (Oise).  (EDOUARD DA COSTA / FRANCE 3)

"C'est pour ça que jusqu'au dernier moment, quand on investit l'immeuble, on fait un premier appartement au rez-de-chaussée dans lequel il n'est pas", relate Christophe Foissey. "Donc la tension était à son maximum et un gros 'ouf' de soulagement quand on apprend qu'il est dans l'appartement dans lequel on se trouve".

Enfin, Christophe Foissey confie : "C'était quelqu'un de très amaigri, fatigué. Il était l'ombre de lui-même. Je n'ai pas particulièrement d'admiration pour ce personnage, lâche le policier. Ses évasions sont bien montées. C'est assez osé et ça fonctionne. J'espère que c'est la dernière". Avant de résumer ironiquement la carrière criminelle de Rédoine Faïd : "La seule chose qu’il ait réussie, ce sont ses évasions".

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