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Reportage
"Dès qu'on trouvait une main, c'était celle d'un cadavre" : situé près de l'épicentre du séisme au Maroc, le village de Moulay Brahim pleure ses morts
Les secours sont à pied d'œuvre dans la province d'Al Haouz, épicentre du séisme, qui concentre plus de la moitié des décès. Dans le village de Moulay Brahim, les survivants livrent leurs récits déchirants. Comme celui d'Hassan. Une partie de sa famille lui a été arrachée en quelques minutes, raconte-t-il. Sa mère, sa sœur et ses trois neveux de onze ans, sept ans et un jour - un nouveau-né - ont été ensevelis sous la terre.
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Hassan détaille cette liste macabre, l'air abattu, devant sa maison traversée par une large fissure : "Ma sœur est sortie de la maternité vendredi matin et j'étais allé la voir le soir. Je suis rentré vers 23h30. Cinq minutes après, il y a eu la secousse. Dès que ça s'est arrêté, j'y suis retourné. Trop tard. Mon beau-frère était là. Il a réussi à sortir avec des blessures légères. On a essayé avec les jeunes du coin de sortir les autres. Mais dès qu'on trouvait une main, c'était celle d'un cadavre."
"La maison leur est tombée sur la tête"
Hassan, un survivant endeuilléà franceinfo
Quand on lui demande de quoi il a besoin aujourd'hui, il balaie de son regard doux le spectacle de désolation autour de lui et répond "tout".
Sa sœur l'interrompt et exprime sa colère entre deux sanglots : "Quand on a sorti notre sœur des débris, elle tenait ses deux plus jeunes enfants dans ses bras. Nous, on n'a rien, pas d'eau, rien à offrir aux gens qui viennent présenter leurs condoléances. Et on ne peut plus rentrer dans la maison car elle risque de s'effondrer sur nos têtes à tout moment. J'essayais de demander des chaises pour que les gens puissent s'asseoir. Personne ne m'a répondu, personne ne nous a aidés. Les autorités, on ne les voit que quand il y a des élections. On se sent abandonnés ici à Moulay Brahim."
Le village de Moulay Brahim est durement meurtri. Près du cimetière, un père vient d'enterrer sa femme et ses quatre enfants en 24 heures. Les enterrements se multiplient et policiers, pompiers, gendarmes, militaires travaillent de manière coordonnée. Il y a toujours ces longs convois pour acheminer aux populations sinistrées des montagnes, des matelas, des couvertures, des vivres. Mais les conditions de circulation sont difficiles, avec ces routes sinueuses bordées parfois de grosses pierres suite aux éboulements.
"J'ai vu des militaires qui travaillent depuis le jour du séisme"
Yassine, un Français originaire de Grenoble, a décidé de prolonger son séjour professionnel pour aider les secours. "Par solidarité", dit-il, et il réfute toute critique sur la "soi-disant" lenteur de la réponse des autorités marocaines : "C'est totalement faux. Ce que j'ai vu, c'est une réactivité sans nom. J'ai vu des militaires qui travaillent depuis le jour du séisme jusqu'à maintenant et qui ont quelques heures de sommeil dans les pattes. J'ai vu des gens qui sont organisés. En fait, il faut qu'on arrête d'avoir ce regard et cet aspect moralisateur : 'On va vous apporter notre aide, ne vous inquiétez pas, on sait faire'. On est dans un pays développé", dénonce-t-il.
D'ailleurs, le Maroc n'appelle pas à l'aide internationale, mais le Royaume a accepté celle de quatre pays pour l'instant. Une erreur estime Mourad, président d'une association locale à Ouirgane, l'une des communes touchées : "On a besoin de votre aide. De l'aide des Marocains et de l'aide internationale. De produits alimentaires. Et après, on a besoin d'aménagements pour sauver ce village. Parce que pour l'instant, on n’a pas de maisons on n’a rien."
La question de l'aide internationale étant sensible, Larbi El Mghari Idrissi, fonctionnaire du gouvernement, préfère botter en touche : "Dans ce genre de cas, on a toujours besoin d'aide, mais ce n’est pas à moi d'évaluer ça. J'interviens dans mon secteur en fonction de mes attributions. Les besoins sont énormes. Vous pouvez le constater vous-même. Les tentes ne sont pas disponibles, alors on est en train de les acheminer au fur et à mesure de les rassembler."
Derrière lui, un petit garçon fait semblant de piloter une grosse moto sur laquelle il a grimpé, insouciant, imperméable au chaos qui règne autour de lui.
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