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Reportage
"Je continue à travailler parce que j'aime ça !" : au Danemark, ces travailleurs qui prennent leur retraite à 67 ans racontent
Dans ce pays où l'emploi des seniors est bien ancré dans la culture, franceinfo a voulu comprendre comment ces derniers voyaient la réforme des retraites en débat en France.
Alors qu'entre 760 000 selon le ministère de l'Intérieur et deux millions de personnes selon les syndicats ont manifesté mardi 7 février en France pour la troisième journée de mobilisation contre la réforme des retraites qui fixe l'âge légal de départ à 64 ans, direction le Danemark dans le choix de franceinfo où l'on va bientôt devoir travailler jusqu'à 70 ans.
Dans ce pays d'Europe du Nord, l'âge de départ à la retraite est indexé à l'espérance de vie. Au Danemark, il n'y a aucun débat sur le fait que, si on vit plus longtemps, il faut donc travailler plus longtemps. Actuellement, l'âge de départ est fixé à 67 ans. En 2035, ce sera 69 ans et 70 ans en 2040. L'une des conséquences de cette réforme (engagée il y a plus de 20 ans) c'est que le taux d'emploi des seniors au Danemark est l'un des plus élevés d'Europe.
72,3 % des 50-64 ans travaillent au Danemark contre 56 % en France. Et le plus étonnant, c'est qu'ils sont également de plus en plus nombreux à travailler après la retraite. Steen Nielsen est le patron de la confédération des industries danoises. "Le nombre de personnes qui a continué à travailler après l'âge légal de départ à la retraite - a doublé - ces 10 dernières années", assure-t-il. "Durant cette même période, cela fait 100 000 personnes de plus de 60 ans qui sont arrivés sur le marché du travail."
Toujours au boulot à plus de 70 ans
Exemple avec ce monsieur qui parle six langues dont le français, qui travaille dans un parc d'attractions du centre de Copenhague : "Je m'appelle Alain Larsen, 71 ans", dit-il. "Je travaille à la sécurité et au service. Je continue à travailler parce que j'aime ça ! Je suis bien quand je vais au travail parce que je m'habille, je me rase, je me sens comme plus jeune.", explique-t-il. "Ça me fait du bien parce que si je reste à la maison avec mes petits enfants, ce n'est pas la même chose ! Ce n'est pas Alain, c'est grand-papa, ce n'est pas moi !"
Alain n'est pas un cas à part. Et ce qu'il dit là illustrer parfaitement l'état d'esprit de certains seniors. "Pour un nombre du plus en plus conséquent de personnes âgées, le travail, c'est une part de leur identité", selon Thomas Elberg conseiller politique pour une association de défense des personnes âgées (Aeldre Sagen) qui compte 900 000 membres et qui a réalisé plusieurs études à ce sujet.
"Les personnes âgées veulent être celles qui décident. Par exemple : lundi, être avec les petits enfants, mardi jouer au golf et mercredi, prendre un boulot à mi-temps."
Thomas Elberg, conseiller dans une association de défense des seniorsà franceinfo
C'est désormais ancré dans la culture danoise et cela se voit - par exemple - si vous prenez le bus : à Copenhague, les trois-quarts des chauffeurs de bus ont plus de 50 ans. Parmi eux, Pia 68 ans. "Quand je suis assise à l'avant de mon bus, c'est moi le patron !", lance la sexagénaire. "Je travaille 20 heures par semaine, ce qui me laisse le temps de faire ce que je veux, poursuit-elle, je fais de la couture, je sors avec mes amis en ville. C'est sympa aussi ! Mais tous les jours, non ! Quand je vais travailler, je me sens vivante !"
En d'autres termes, l'âge légal de départ à la retraite ne veut plus dire grand-chose. Chacun part quand il veut et évidemment quand il peut. Ceux qui sont malades, qui ont commencé tôt ou qui ont eu un métier pénible peuvent partir avant 67 ans. Ce système est unanimement accepté y compris par les syndicats - qui voudraient néanmoins ralentir cette inexorable hausse de l'âge de départ à la retraite.
Difficile de retrouver un emploi après 50 ans
Concernant ceux qui ont perdu leur emploi ou qui sont au chômage, c'est là que le bât blesse. Au Danemark, comme en France, passé 50 ans, il est difficile de retrouver du travail. L'association "senior erhverv" implantée dans tout le pays est donc là pour les aider. Aider Steen a 70 ans. Il a été licencié par une société américaine. Selon lui - à cause de son âge. Il touche sa retraite depuis cinq ans, mais il continue à chercher du travail. "Il y a des entreprises qui me contactent de temps en temps, mais quand elles découvrent mon âge, c'est silence radio ! C'est une spécialité danoise et il faut vraiment qu'on fasse quelque chose."
Le gouvernement danois a pris conscience de ce problème et désormais, il est illégal de mentionner l'âge sur son CV. "Ce changement a été instauré parce que nous avons mis la pression aux politiques, mais dans les faits, ça ne va pas changer grand-chose, poursuit Aider Steen. "Les entreprises vont toujours trouver le moyen de trouver votre âge, donc c'est un petit progrès, mais il y a encore beaucoup à faire pour changer les mentalités dans ce pays."
En tout cas, c'est bien le but du gouvernement danois qui veut absolument faire travailler les seniors après la retraite : il y a même une incitation une prime de 6 000 euros pour tous ceux qui travaillent 12 mois après l'âge légal.
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