Reportage
"Nous aussi on a des droits, on peut faire du sport : la difficile quête d'un club pour les personnes en situation de handicap

Seulement 1,4% des clubs sportifs en France peuvent accueillir des personnes en situation de handicap. Si les Jeux paralympiques peuvent faire bouger les lignes, les familles de jeunes sportifs rencontrent des difficultés à les faire entrer dans un club.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des personnes en situation de handicap, sur un terrain de sport au Club France, le 29 août 2024 à Paris. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Selon le Comité paralympique et sportif français (CPSF), seulement 1,4% des clubs sportifs en France se disent aujourd'hui capables d'accueillir des personnes en situation de handicap. Les Jeux paralympiques peuvent-ils faire bouger les lignes ? Une chose est sûre, quel que soit le handicap, l'envie de sport est là.

Sur le pas de la porte, dans le couloir d'un immeuble du 16e arrondissement de Paris, a lieu une démonstration de tir à l'arc. Mais sans les flèches donc. Avec Magalie, la maman, et Morgane, 20 ans, atteinte du syndrome de Joubert, une maladie génétique rare, qui peut provoquer notamment des troubles de la coordination et des troubles cognitifs. Cela ne l'empêche pas de faire de la danse, de l'équitation, mais aussi de pratiquer le tir à l'arc depuis deux ans dans un club de la capitale. Le club des Trois Lys accueille cinq personnes en situation de handicap. Morgane ne lâche plus son arc. "Ça me détend, ça me donne de la confiance d'être avec les autres, des copains qui sont gentils", raconte-t-elle.

La difficulté de trouver un club

Que pense-t-elle des Jeux paralympiques ? "C'est dur quand on est handicapé, ils sont courageux" ces athlètes, ajoute Morgane. Elle souhaite être aussi courageuse. Pour Magalie, voir sa fille avec cet arc dans les mains, c'est "une certaine fierté, parce que cela montre son évolution, le tir à l'arc, ça demande de la concentration, de se dépasser."

"La vie, c'est déjà un parcours du combattant pour eux. Le loisir, le plaisir, ce sont des choses indispensables à l'équilibre."

Magalie, mère de Morgane

à franceinfo

Magalie a mis deux à trois ans pour trouver des clubs prêts à accueillir sa fille, souvent par le bouche à oreille, en multipliant les coups de téléphone à droite et à gauche. "C'était la débrouille. À un moment, la plupart des parents de personnes handicapées lâchent", déplore-t-elle.

Au Club France, dans le parc de la Villette à Paris, franceinfo a pu assister à une séance de para-escalade. Avec des encouragements pour Ashanty, 15 ans, qui vit avec une infirmité motrice cérébrale. Sur place, elle est entourée de ses amis, de ses éducatrices venues d'un institut de Bondy, en Seine-Saint-Denis. "On est toujours très émues de les voir accomplir quelque chose comme ça", lance l'une d'entre elles. L'adolescente teste un dispositif innovant, un treuil avec assistance électrique qui accompagne ses mouvements et permet à des personnes en situation de handicap, comme elle, de faire de l'escalade.

Ashanty, 15 ans, fait de la para-escalade au Club France, le 29 août 2024 à Paris. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Ashanty ne pensait pas pouvoir faire un jour de l'escalade. "De base, j'aime beaucoup le sport, c'est pour ça que je suis contente d'avoir fait cette sortie, se réjouit-elle. Nous aussi, on a nos droits et on peut faire du sport comme tout le monde." Trouver un club reste difficile. "Moi et ma mère, on demande un peu partout, mais c'est dur. On nous dit que ce n'est pas possible pour les fauteuils électriques, qu'un enfant handicapé, c'est plus dur à prendre en charge qu'un enfant normal."

Mais face à cette réalité, le Comité paralympique et sportif français veut se mobiliser avec, depuis fin 2022, les "clubs inclusifs". C'est un programme piloté par le CPSF et soutenu par l'État, qui vise à former gratuitement les dirigeants et encadrants de clubs sportifs à l’accueil des personnes en situation de handicap. L'objectif est d'atteindre 3 000 clubs inclusifs d'ici fin 2024.

L'espoir d'un "effet Jeux paralympiques"

"À l’heure actuelle, on a 1 500 clubs engagés dans le programme, rappelle Sylvain Sabatier, directeur des territoires au sein du Comité paralympique et sportif français. On a encore du temps pour arriver à 3 000. Ça reste un défi." D'autant plus qu'il existe 160 000 clubs sportifs en France. "Mais en même temps, c'est 3 000 clubs de plus et c'est nécessaire parce qu'il y a trop peu de clubs qui se déclarent en capacité d'accueillir des personnes en situation de handicap."

Des enfants s'initient à l'escrime fauteuil au Club France, le 29 août 2024 à Paris. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Les Jeux paralympiques peuvent "susciter l'envie, ajoute Sylvain Sabatier. Il y a des personnes en situation de handicap qui s'autocensuraient parfois, elles vont se dire : il y a peut-être un club qui peut m'accueillir' Maintenant, c'est à nous, collectivement, de trouver les solutions pour neutraliser cette complexité d'accès à la pratique."

Le chemin est encore long, mais c'est peut-être sur un mur d'escalade au Club France avec une Ashanty au sommet que commence "la révolution de l'inclusion", celle souhaitée ardemment par Andrew Parsons, président du Comité international paralympique, lors de la cérémonie d'ouverture.

À regarder

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.