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Reportage
"Maintenant, il faut parler de retour" : plongée au cœur d'un centre de rétention des étrangers au Danemark, où le gouvernement mène une politique drastique
Le centre de rétention d'Ellebæk, à une dizaine de kilomètres de Copenhague (Danemark), est encerclé par des murs et des barbelés. Des étrangers condamnés à l'expulsion ou des demandeurs d'asile, dont le dossier a été refusé par deux fois y sont enfermés. Ils sont trois par chambre, libres de circuler dans leur bâtiment, mais ils ne peuvent pas sortir sans surveillance.
Les bâtiments sont à moitié vides. "En 2015, on a fait construire un bâtiment supplémentaire qui n'a jamais servi à rien", note Claes Nilas, le directeur de l'Agence pour les retours. Car le nombre de demandeurs d'asile en attente d'expulsion est en chute, la plupart acceptent de partir volontairement. En cause, la manière dont ils sont traités depuis l'enregistrement de leur dossier.
Une "guerre d'usure"
Lancée il y a deux ans, l'Agence danoise des retours "ne lâche pas en quelque sorte" les déboutés jusqu'à "ce qu'ils soient rentrés chez eux", explique Claes Nilas. "Le travail quotidien" de ses équipes consiste à "convoquer tous les déboutés en entretien, tous les jours, pour leur expliquer que maintenant, c'est terminé. Il n'y a pas de possibilité d'aller plus loin dans leur demande. Maintenant, il faut parler de retour."
"Nous restons très fermes là-dessus, nous ne leur parlons que de retour."
Claes Nilasfranceinfo
Ces étrangers se voient proposer un retour volontaire vers leur pays d'origine, "moyennant une somme d'argent, environ 5 000 euros pour accompagner la réinstallation", précise le directeur de l'Agence pour les retours. 95% d'entre eux finissent par accepter.
La droite française séduite par le modèle danois
En plein débat sur l'immigration en France, une délégation du parti les Républicains (LR) s'est rendue au Danemark mercredi 24 mai. Une visite de 24 heures pour découvrir, comprendre, voire s'inspirer des Danois. "En tout cas, il y a des pistes très intéressantes", estime Éric Ciotti, député et président des LR. "Ces centres de retours nous permettraient d'accroître considérablement les taux de retours, notamment pour les déboutés du droit d'asile qui aujourd'hui constituent un véritable dévoiement de la procédure d'asile."
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Le Danemark a mis en place une politique d'immigration drastique. Le statut des réfugiés est réévalué au bout de deux ans. Des Syriens ont d'ailleurs déjà perdu leur statut. Une partie des bijoux et de l'argent des migrants est confisquée dès leur arrivée. "Ça ne me choque pas. C'est dans la culture de ce pays. C'est un modèle qui donne des droits, mais qui exige aussi des devoirs. Quand on arrive dans un pays et qu'on représente une charge pour ce pays, il n'est pas illogique de s'assurer qu'il y ait des garanties de ressources", défend Éric Ciotti. Il salue le gouvernement social-démocrate qui a "une analyse politique pragmatique qui n'est pas idéologique et qui allie fermeté et humanité".
Le leader des Républicains a rencontré le ministre danois de l'Immigration Kaare Dybvad Bek. Ce social-démocrate poursuit la politique de sévérité enclenchée il y a 20 ans sous l'impulsion de l'extrême droite. Il estime appliquer une politique de gauche, car il protège le modèle social des Danois. Et adresse un message à ses homologues, les socialistes français. "Si vous voulez avoir le soutien des classes ouvrières dans votre pays, vous avez besoin de réduire le fardeau que les migrations font peser sur les populations locales. Les gens qui paient pour les migrants ne sont généralement pas ceux des beaux quartiers, mais ceux des quartiers populaires", se justifie Kaare Dybvad Bek.
"Si les classes ouvrières perdent la confiance dans les partis socio-démocrates, ils ne vont plus voter à gauche, mais aller du côté de l'extrême droite."
Kaare Dybvad Bek, ministre de l'Immigration au Danemarkfranceinfo
Selon lui, "si les classes ouvrières perdent la confiance dans les partis socio-démocrates, ils ne vont plus voter à gauche, mais aller du côté de l'extrême droite". Il note que "c'est ce qui s'est passé dans une certaine mesure en France, en Italie et dans d'autres pays d'Europe", alors qu'au Danemark, l'extrême droite a chuté. Le parti historique est tombé à 2% aux dernières législatives. Un message entendu par Olivier Véran, porte-parole du gouvernement et ministre délégué chargé du renouveau démocratique. Il a lui aussi fait le déplacement au Danemark au début du mois de mai.
Olivier Véran estime que le modèle danois n'est pas totalement transposable en France, notamment parce que le pays nordique est exempté de certaines règles européennes. "Il y a des mesures dans lesquelles je ne me reconnais pas", précise-t-il, mais le ministre a relevé deux points "intéressants". Premièrement, "quand la gauche parle d'immigration avec réalisme, on est capable d'avancer et de faire reculer l'extrême droite. Ça, c'est le premier enseignement". Deuxièmement, poursuit-il, "quand l'immigration est abordée non pas sous l'angle des racines religieuses de tel ou tel pays, mais en disant 'pour que le modèle social soit soutenable, il faut qu'il puisse être financé et équilibré".
Le ministre délégué en charge du renouvellement démocratique estime avoir trouvé une clé dans sa quête de recettes pour affaiblir l'extrême droite en France. Une réflexion qui fait sourire au Rassemblement national (RN). Olivier Veran "ferait mieux d'écouter les aspirations des Français", estime la députée RN Edwige Diaz. Car selon elle, c'est bien le programme de Marine Le Pen qui est le proche du modèle danois.
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