Reportage
"Si on veut se renseigner, la guerre électronique doit être présente" : en immersion avec les "traqueurs d'ondes" de l'armée de Terre

L'interception et l'analyse des ondes électromagnétiques restent indispensables en cas de conflit. C'est la spécialité du régiment tactique de guerre électronique de l'armée de Terre.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
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Les véhicules des militaires du 54e régiment de transmission, juillet 2022. (FRANCK KOBI / MAXPPP)

Ils interceptent, analysent et brouillent les conversations de nos ennemis. Franceinfo vous fait découvrir le seul régiment tactique de guerre électronique de l'armée de Terre : ceux que l'on surnomme "les traqueurs d'ondes".

Ceux qui font les missions les plus dangereuses, on ne les voit et ne les entend jamais car ils vont au-delà de la ligne de front pour capter des renseignements. Ils font partie de "la patrouille légère d'appui électronique". Lorsque franceinfo les rencontre, ils participent à un exercice dans une forêt vosgienne, planqués sur une position assez escarpée. Ils ne bougent presque pas et parlent discrètement : "Là, actuellement je suis chef de patrouille donc j'ai cinq personnels sous mon commandement avec un transmetteur pour la partie liaison radio", explique le commandant Will.

"À l'aube, on arrête de bouger"

Leur but : aller derrière les lignes ennemies pour intercepter et capter des ondes électromagnétiques. "Là, on a fait à peu près 55 km depuis le point de dépose pour venir s'implanter sur cette position. À chaque fois, notre but c'est de bouger de nuit. Dès que la lueur du jour va apparaître, à l'aube, on arrête de bouger, on se tanke, tout le monde reste dans sa pseudo-cache." Cette unité à pied est autonome en nourriture et en énergie pendant plusieurs jours.

Ces militaires qui écoutent derrière la ligne de front ont la mission la plus périlleuse, mais d'autres ont un savoir-faire plus technique. Ils sont dans un véhicule blindé appelé "le lynx" – un félin doté d'une ouïe très fine. Ce lynx de métal a une antenne, un mât de dix mètres, capable de capter des signaux à des dizaines de kilomètres à la ronde. À l’intérieur, il y a deux sièges, deux écrans et le sergent Salomé, chef de station, qui a notamment pour mission de casser les protections des ennemis qui brouillent leurs communications. 

"Je suis spécialiste dans l'analyse et la détection de signaux électromagnétiques. Mon rôle va être de casser ces différents signaux surtout numériques, pour pouvoir les traiter."

Le sergent Salomé

à franceinfo

Sur un enregistrement, le sergent Salomé analyse une conversation : "L'ennemi a décelé une des positions de nos alliés et il va falloir qu'on rende compte à l'échelon supérieur le plus rapidement possible afin de préserver les alliés". Dans "le lynx", on est coupé du monde, focalisé sur les sons, les ondes. Un peu comme ceux qu'on appelle "les oreilles d'or" dans les sous-marins. Le but c'est de traquer, chasser l'ennemi avec les ondes.

Anticiper les actions de l'ennemi

Toutes ces informations sont ensuite analysées. C'est la mission du sergent Lia, analyste en renseignements d'origine électromagnétique. Sa mission : traduire ce que signifient les informations qu'elle reçoit. "Retranscrire dans un langage opérationnel les informations qui peuvent être transmises et comprendre ce que l'ennemi a voulu dire pour anticiper ses actions", explique le sergent Lia.

Aujourd'hui encore, en 2024,  à l'heure des satellites et des GSM, la recherche et l'analyse de ces condes électromagnétiques sont encore nécessaires. La preuve par la guerre en Ukraine : une guerre "de haute intensité" entre deux armées où la radio militaire est le nerf de la guerre. Le colonel Jean-Charles Costes est le chef de ce 54e régiment de Transmission, composé de 850 personnes. Pour lui, l'un des retours d'expérience de ce conflit, c'est "que la guerre électronique à de beaux jours devant elle. On voit aujourd'hui qu'un tel conflit nécessite un tel niveau de coordination permanente pour les forces sur le terrain que les émissions électromagnétiques sont partout. Et donc, si on veut renseigner, la guerre électronique doit être présente."

Si ce colonel a ouvert ses portes à franceinfo, c'est aussi et surtout valoriser ces métiers où l'on recrute des femmes notamment : 28% des membres de ce régiment sont des femmes. Un régiment qui permet d'acquérir ce qu'on appelle dans le jargon militaire une "supériorité informationnelle".

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