Son enfance, le féminisme, le décès de ses parents... Les confidences d'Angela Merkel au terme de 16 ans de pouvoir à la tête de l'Allemagne
Lors d'une interview le 8 septembre dernier, Angela Merkel s'est notamment exprimée sur son rapport au féminisme ou le décès récent de ses parents.
Angela Merkel, la première chancelière de l’histoire de la république fédérale d’Allemagne, quittera prochainement le pouvoir au terme de 16 ans de mandat, à l'issue des élections fédérales du 26 septembre. Si le grand public connaît bien son bilan, notamment ses décisions marquantes comme la sortie du nucléaire ou l’accueil de plus d’un million de réfugiés au moment de la crise migratoire, on sait moins ce qui a guidé Angela Merkel dans ses choix.
Pour le comprendre, il faut se souvenir des débuts de son mandat : un serment prononcé le 22 novembre 2005 dans lequel la chancelière s'engageait à remplir ses fonctions "avec l'aide de Dieu". Cette formule, chaque chancelier est libre de l'ajouter lors de sa prestation de serment. Tandis que son prédécesseur, Gerhard Schröder, ne l’avait pas fait, Angela Merkel a voulu signifier tout de suite son attachement aux valeurs chrétiennes.
Une fille de pasteur
Cette fille de pasteur a grandi dans le village de Templin, perdu au milieu des champs et à une bonne heure et demie de route au nord de Berlin, dans un centre évangélique que gérait son père. La chancelière l'évoquait justement lors d'une interview le 8 septembre dernier : "J'ai grandi entourée par des enfants handicapés mentaux et je n'avais tout simplement pas d'appréhension, pas de peur du contact", se souvient-elle. Une expérience unique qu'elle a mise à profit dans sa carrière politique, sa façon d’être et de gouverner.
"Ce qui m’a façonnée aussi, c’est d’avoir toujours été entourée d’hommes".
Angela Merkel, chancelière allemandefranceinfo
Ce fut le cas dès ses études de physique-chimie puis à nouveau bien plus tard, en l’an 2000, quand elle reprend en main le parti chrétien-démocrate. Il est alors majoritairement composé d'hommes, pour beaucoup des catholiques d'Allemagne de l’Ouest, de la vallée du Rhin, région très privilégiée du pays. Merkel au contraire est une femme issue d'Allemagne de l’Est, d'origine modeste et protestante, trois caractéristiques que les Allemands n’avaient jamais vues à la tête du pays.
Tout cela est raconté dans un livre sorti en cette rentrée uniquement en Allemagne. Il s'agit d'une biographie non officielle signée du journaliste Ralph Bollmann. "Pendant toute sa carrière en politique en Allemagne comme à l'international, Angela Merkel était souvent la seule femme à occuper un poste de haut niveau ou l'une des rares, analyse le journaliste. "Elle en a fait au fil des années une forme de stratégie, opposant sa rationalité froide face à toute cette émotivité masculine exubérante. En tant que fille de pasteur, elle devait toujours être meilleure que les autres."
"Je pense qu'elle sait depuis longtemps qu'il n'y a qu'une façon de battre ces hommes supérieurs et plutôt machos : il faut être la meilleure, la plus compétente et aussi la plus intègre."
Ralph Bollmann, journalistefranceinfo
Récemment, Angela Merkel est revenue sur le début de sa carrière d’une façon complètement inédite. Depuis le mois de mai dernier, elle a ainsi commencé à se confier un peu plus. Alors qu'elle se trouvait face à des jeunes qui la bombardaient de questions, une ado lui a demandé comment elle avait fait pour réussir. "J’étais jeune à l’époque, a-t-elle répondu, j’étais une femme et je venais de l’Est. C'était un triple quota et c'était un atout, disons-le."
Il est intéressant que la chancelière utilise elle-même le mot de "quota", qu’elle dise qu’en gros, si cela donne des Merkel, la discrimination positive fonctionne. En effet, elle a toujours eu une relation compliquée à cette idée de quota. Elle n’a imposé la parité ni au sein de son parti, ni au sein de ses différents gouvernements. Elle a aussi longtemps refusé de fixer un quota de femmes dans les conseils de surveillance des grandes entreprises, et n'a fini par accepter qu'en début d'année, voyant que les choses ne bougeaient pas en même temps que la société, contrairement à ce qu’elle a toujours cru.
"Aujourd'hui, je suis féministe"
D'ailleurs, ce n’est que lorsqu'elle a constaté que l’opinion publique était prête, en 2017 soit quatre ans après la France, qu’elle a fait adopter le mariage pour tous. L’autre révélation d’Angela Merkel se situe sur la question des femmes, un sujet sur lequel on lui a toujours reproché de ne pas en faire assez. "Pour moi, le mot féminisme est associé au mouvement de celles qui ont lutté très fort pour mettre des sujets à l'agenda social, a déclaré la chancelière le 8 septembre dernier. "C'est pourquoi je n’ai jamais voulu m’attribuer ce terme. La reine Maxima des Pays-Bas m'a ensuite ouvert la porte en disant : 'Le féminisme, c'est le fait que les hommes et les femmes participent de la même façon dans tous les moments de la vie.' En ce sens alors, je peux être plus affirmative : aujourd'hui, je suis féministe. Et je peux dire que nous devrions tous être féministes."
Ce soir-là et peut-être pour la première fois en 16 ans, Merkel a fendu l’armure. Elle s'est ainsi exprimée sur un sujet qu'elle avait toujours tu jusqu'à présent : le décès récent de ses parents, notamment celui de sa mère il y a deux ans. "Je crois que seule une personne que vous avez aimée peut causer du chagrin, a-t-elle confié, profondément émue. "Elle n’est plus là, vous ne pouvez plus lui parler directement. C'est cela un deuil, c’est un adieu."
Les adieux à Merkel, quant à eux, sont pour bientôt, mais bien malin qui peut dire quand. Tout dépend du temps que prendront les négociations de coalition. Après bientôt 6 000 jours au pouvoir, la chancelière n’est plus à quelques semaines près avant de pouvoir "dormir" comme elle l'a déclaré récemment. Et quand elle se sera bien reposée, peut-être, dit-elle, "que la bonne idée pour occuper [ses] journées lui apparaîtra comme une évidence."
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