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Témoignages
"C'était logique de prendre la suite de la contraception" : la vasectomie séduit-elle de plus en plus d'hommes ?

Quand les hommes prennent leur part de la contraception dans le couple en faisant le choix de devenir stériles.
Article rédigé par Agathe Mahuet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La vasectomie est méthode de stérilisation masculine qui consiste à couper et bloquer les canaux déférents qui transportent les spermatozoïdes à partir des testicules. (AGATHE MAHUET / RADIO FRANCE)

Les Français sont dix fois plus nombreux qu'il y a dix ans à recourir à la vasectomie, cette contraception masculine définitive même si l'on est encore loin derrière d'autres pays. Selon les derniers chiffres de l'Assurance maladie disponibles, 23 000 hommes ont fait une vasectomie en France en 2021.

>> Vasectomie, slip chauffant, pilule... Pourquoi la contraception masculine n'excite pas les hommes

Des hommes ont récemment pris cette décision radicale comme Justin, qui a 42 ans. Il est cadre bancaire, marié, père de deux enfants de 11 et 9 ans. Il a choisi la vasectomie pour libérer son épouse de la contraception. "À mon âge, je n'ai plus envie d'avoir d'autres enfants, confie Justin. J'en ai déjà deux qui sont très bien. Et donc je n'ai pas exploré le slip chauffant ou les anneaux. Quand on veut plus d'enfants, on n'en veut plus. Pour moi, la vasectomie, c'était la seule et unique solution. Mon épouse a déjà quand même eu deux grossesses. C'est elle qui a fait le plus gros du travail. Dix ans de contraception, soit avec un stérilet, soit avec la pilule. La contraception ne se passait pas forcément très bien. Donc, pour moi, c'était logique de prendre la suite de ce processus de contraception."

"Mon épouse m'a dit : 'Félicitations, c'est très bien, merci beaucoup.' Je ne suis pas un surhomme. J'ai juste pris une décision qui satisfait tout le monde."

Justin, 42 ans

à franceinfo

Justin explique aussi qu'il s'agit d'un geste chirurgical très simple et indolore. Il a été opéré en septembre, après un délai de réflexion imposé de quatre mois. L'opération peut se faire en anesthésie générale ou locale : "J'ai fait le choix de l'anesthésie locorégionale, parce que c'est plus rigolo d'entendre les chirurgiens discuter. L'opération se passe très vite. On reste à peu près 1h30 au bloc, mais l'opération en elle-même ne dure que 15 minutes."

Justin, 42 ans, père de deux enfants de 11 et 9 ans, a choisi de faire une vasectomie. (AGATHE MAHUET / RADIO FRANCE)

Une opération rapide

Mais à quoi correspond précisément cette fameuse vasectomie ? Pour le comprendre, je suis allée voir le chirurgien-urologue Vincent Hupertan dans son cabinet parisien. Il m'a proposé une démonstration sur un mannequin : "On va tout simplement percer la peau, attraper le canal qui est maintenant sorti à l'extérieur, explique le chirurgien. Le canal déférent, c'est ce qui transporte les spermatozoïdes au niveau des testicules. C'est ce canal, que le chirurgien va sectionner et qui rend, de fait, le patient stérile. L'opération ne prend effectivement que quelques minutes. "On va faire le côté gauche et le côté droit. Comme c'est tout petit, il n'y a plus besoin de mettre des fils. Je n'ai plus de fil au niveau de la peau et dès le lendemain, la plupart des patients ne voient plus la cicatrice", décrit Vincent Hupertan.
C'est ce qu'on appelle la "vasectomie sans bistouri". Le docteur Hupertan en pratique aujourd'hui 50 par mois. Il en faisait quatre environ, il y a dix ans. Donc, il confirme bien l'essor de cette contraception masculine.

Des patients de plus en plus jeunes ?

Sur le profil des patients, Justin, notre premier patient est vraiment pile dans la moyenne : déjà père, âgé plus de 40 ans. Mais on voit désormais davantage d'hommes plus jeunes, et sans enfants, se tourner vers la vasectomie. Le phénomène est encore difficile à chiffrer. Mais c'est le cas par exemple de Théo qui a 31 ans. Ce Français est installé en Belgique où il crée des jeux de société. Il est en couple, depuis une quinzaine d'années. Sa conjointe, elle aussi, vivait mal les effets secondaires de sa contraception. "J'ai eu envie de prendre le relais d'une certaine manière sur cette contraception, explique Théo. En parallèle de ça, on avait déjà eu pas mal de discussions avec ma conjointe sur le fait que l'on ne voulait pas d'enfants." 

"Cela fait des années qu'on affirme haut et fort qu'on n'a pas envie d'avoir enfants. Donc ce n'était pas une surprise et ce n'était pas un basculement de décision soudainement de se dire en fait, ils ne veulent plus d'enfants."

Théo, 31 ans

à franceinfo

Une décision donc mûrement réfléchie malgré son "jeune âge". Il faut être sûr de ne pas vouloir devenir parent puisque la vasectomie est une chirurgie considérée comme irréversible aujourd'hui. Si vraiment un patient change d'avis, on peut tenter de "rétablir le courant", ça s'appelle la "vasovasostomie", mais c'est une marche-arrière qui a un taux de réussite très faible. 

Le chirurgien-urologue Vincent Hupertan dans son cabinet parisien. (AGATHE MAHUET / RADIO FRANCE)

"Il faut qu'on arrête cette hypocrisie"

La vasectomie est remboursée par la Sécurité sociale à 70% et les mutuelles font le reste. Sachant qu'il faut ajouter les frais d'anesthésie, éventuellement les frais d'hospitalisation, donc la facture peut grimper à quelques centaines d'euros. Au final, il s'agit d'une chirurgie moins bien remboursée que son équivalent féminin, la ligature des trompes, comme le regrette le docteur Hupertan : "Il faut qu'on arrête cette hypocrisie de l'égalité femmes-hommes dans laquelle la contraception, c'est forcément la pilule, le stérilet ou la ligature des trompes."

"La contraception concerne le couple, pas seulement les femmes. Donc c'est normal que la prise en charge soit globale au niveau du couple, par les mutuelles qui proposent des forfaits adaptés qui permettront au couple de faire son choix sans tenir compte des difficultés financières."

Vincent Hupertan, chirurgien-urologue

à franceinfo

L'acte est également mal rémunéré, ce qui n'encourage pas les praticiens à le proposer. D'ailleurs, beaucoup n'ont pas appris ce geste chirurgical durant leurs études, car la vasectomie était illégale en France jusqu'en 2001. Cela explique en partie pourquoi les Français sont certes plus nombreux, mais toujours seulement 2% environ à avoir fait une vasectomie. Un chiffre très loin derrière d'autres pays : 20% des Britanniques y sont passés, et même un tiers des hommes au Québec, où l'opération est totalement gratuite.

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